Par akademiotoelektronik, 01/10/2022

Chaînes d'approvisionnement mondiales : après les marques textiles qui ont fui le Vietnam, à qui le tour  ?

Les acteurs mondiaux du textile fuient le Vietnam en raison de la résurgence du Covid-19 dans le pays depuis avril. Un tiers de la population vietnamienne a en effet été reconfiné, et un grand nombre d'usines textiles fermées (35%, selon des estimations), tarissant l'approvisionnement des marques internationales. Nike, dont 50% des chaussures sont fabriquées au Vietnam, vient par exemple d'annoncer des prévisions de chiffre d'affaires 2021 à la baisse en raison de problèmes d'approvisionnement.

A date, 20% des entreprises internationales du textile ont quitté le Vietnam. Pour Nike, Adidas et Uniqlo, ces départs sont annoncés comme temporaires. Mais le choc est tout de même lourd de conséquences.

Chute de 40% du contrôle qualité au Vietnam

Les chiffres du contrôle qualité au Vietnam confirment cet effondrement : entre le deuxième et le troisième trimestre 2021, les demandes d'inspection par les marques occidentales dans les usines y ont chuté de 40% ! Un indicateur révélateur de l'état de la filière dans le pays.

Cette chute abrupte est d'autant plus violente que jusqu'alors le Vietnam faisait plutôt figure de cas d'école d'une gestion réussie de l'impact du Covid. Bon nombre des acheteurs internationaux y avaient réorienté leurs approvisionnements au moment de la guerre tarifaire entre la Chine et les États-Unis, et en 2020 une politique de confinements localisés avait permis aux usines de continuer à tourner. Puis le variant Delta est passé par là, dans un pays où la vaccination peine encore à décoller.

Concilier diversification des approvisionnements et visibilité

Le Vietnam est un bon exemple d'un des enseignements majeurs de ces derniers mois pour les acheteurs des marques globales : il est nécessaire de diversifier ses sources d'approvisionnement, pour minimiser les risques, pouvoir réagir de manière agile aux fermetures et réouvertures des pays de sourcing et être en mesure de sécuriser des moyens de production en cas d'aléa.

Chaînes d'approvisionnement mondiales : après les marques textiles qui ont fui le Vietnam, à qui le tour  ?

Mais cette nécessaire diversification entraîne une autre difficulté : celle de la visibilité sur sa chaîne d'approvisionnement.

Un baromètre réalisé par QIMA au 1er trimestre 2021 a révélé une hausse de 100% des usines pointées du doigt pour non-conformité éthique entre le premier et le second semestre 2020.

La raison de cette dégradation ? L'impréparation. Au début de l'épidémie, bon nombre d'industriels ont délocalisé dans l'urgence leurs achats dans d'autres pays vers de nouveaux fournisseurs. Ceux-ci étant confrontés eux-mêmes à une grande incertitude sur leurs débouchés commerciaux, l'improvisation généralisée les a amenés à prendre des raccourcis sur les procédures et les irrégularités se sont vite accumulées. Les cas de non-conformité éthique les plus souvent remontés étaient liés au non-respect des heures de travail et à la non-conformité des salaires.

L'incertitude dans la supply chain va devenir la norme

Que devons-nous en conclure ? Qu'entre les guerres commerciales, les multiples soubresauts d'une épidémie sans fin, les goulots d'étranglement dans le transport maritime... : les bouleversements vont devenir la norme. Les industriels doivent s'y préparer en étant prêts à diversifier leur sourcing, du jour au lendemain, d'une manière agile... mais réfléchie.

La résilience de sa chaine d'approvisionnement est en effet devenue un critère sine qua non de la compétitivité des marques. Mais agilité et diversification ne doivent pas pour autant signifier précarisation des conditions de fabrication. Nous devons tirer les enseignements de l'année dernière.

Mathématiquement, si on accroît le nombre de fournisseurs et de pays où s'approvisionner, la difficulté à contrôler la marchandise et les fournisseurs s'accroît également. Les audits doivent donc être plus réguliers pour s'assurer de l'éthique et de la conformité tout au long de la supply chain.

Pour cela, il faut, pour commencer, de l'humain : avoir des représentants sur place, dans les usines, pour nouer des contacts directs et constructifs avec ses nouveaux fournisseurs et les former. Il faut ensuite tirer parti de la puissance des données : collecter de l'information en temps réel, en utilisant des outils numériques de gestion de la qualité et de la conformité, permet de prendre les décisions rapides, proactives et informées qui s'imposent pour anticiper ces nouveaux risques.

La fermeture du Vietnam est un épisode violent, mais conjoncturel

Il faut nous y habituer : ces changements de braquet vont désormais devenir la norme de nos chaînes d'approvisionnement ultra mondialisées, et très exposées aux aléas. Alors après le Vietnam : à qui le tour ?

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(1) QIMA réalise des contrôles qualité et des audits RSE fournisseurs pour 15.000 marques et importateurs de biens de grande consommation.

Sébastien Breteau (*)

4 mn

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