Par akademiotoelektronik, 22/02/2022

Ski nautique : « Le Pape, je ne savais même pas comment l’appeler ! », Patrice Martin revient sur son palmarès XXL, 20 ans après sa retraite

Douze titres de champion du monde, 34 fois champion d’Europe, détenteur de 26 records du monde… Le palmarès de Patrice Martin dans le ski nautique donne le vertige. Vingt ans après la fin de sa carrière sportive, le Nantais de 57 ans revient sur ces années qui ont forgé l’homme qu’il est aujourd’hui.

Vous avez stoppé votre carrière en 2001, à l’âge de 37 ans, après 25 années de ski nautique. On parle souvent de la retraite comme la « petite mort » du sportif. Comment avez-vous vécu ce moment charnière ?

Après dix ans de carrière, j’aurais imaginé m’arrêter et construire ma vie de famille. Je disais souvent, vers 30 ans, que je voulais aller le plus loin possible, sans faire l’année de trop. Mais souvent, on se rend compte que c’est l’année de trop quand on l’a faite. C’est pour ça que ce choix de fin de carrière est difficile à faire. Ce qui a déclenché cette idée chez moi, c’est que j’ai eu quelques années avec des blessures à partir de 1998. En 2000, je me suis dit que je ne pouvais pas arrêter sur une blessure. J’ai ensuite préparé ma sortie. Au début de la saison 2001, je savais que j’allais arrêter, avec l’objectif de reprendre le record du monde. Personne ne s’y attendait. Cette petite mort du sportif, je l’ai limitée car je l’ai préparée.

Quels ont été vos projets ensuite ?

Dans les mois qui suivent, la vie n’est plus du tout la même. Il y en avait plein, mais on ne réussit pas tout. Toute mon expérience m’a permis d’être président de la Fédération française de ski nautique et wakeboard (FFSNW), administrateur du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), membre de l’Agence nationale du sport… Pourtant, j’étais persuadé que jamais je ne m’engagerais au sein de la fédération.

En 2008, alors que vous avez arrêté la compétition, vous vous blessez gravement au bras lors d’un rassemblement d’anciens champions. Racontez-nous ce moment.

C’était sept ans après ma carrière et ils ont quand même failli me couper le bras. Quand trois mois après, vous commencez la récupération et que vous ne bougez pas… J’ai déprimé. Là, tu te dis, il faut avoir de l’envie. J’ai une chance, c’est que je suis gaucher. Il faut voir le verre à moitié plein.

Pensez-vous qu’il soit encore possible pour un sportif de réaliser un parcours comme le vôtre ?

Aujourd’hui, Martin Fourcade a 13 titres de champion du monde. C’est une belle longévité.

Revenons au début de votre carrière où on vous surnommait Le Petit Prince. Il avait quoi dans la tête il y a 40 ans ce Petit Prince ?

Tout petit, il voulait être boulanger. Vers 12 ans, il voulait être pilote de ligne. J’adorais cette idée de pouvoir emmener des gens à l’autre bout du monde. A l’école, j’étais un peu turbulent, toujours plein d’énergie. Je n’écoutais pas forcément tout mais j’enregistrais pas mal de choses. J’avais ce goût des choses assez précises et c’est peut-être pour cela que je m’entendais très bien avec ma prof de maths, avec qui j’ai gardé contact aujourd’hui.

Votre père vous a suivi tout au long de votre carrière sportive. Vous avez conscience que vous étiez un cas à part ?

Encore aujourd’hui, je pense être le seul exemple d’athlète de haut niveau qui a commencé sa carrière avec son père et qui a fini avec lui. Il y a eu des hauts et des bas, forcément.

Cela vous semble encore possible aujourd’hui ?

Mais tout est possible ! Aujourd’hui, il y a des jeunes qui commencent à être bons, et la famille les enferme, bien souvent pour les protéger. Mais je pense que personne d’autre que mon père n’aurait pu me donner les ingrédients pour que je réussisse aussi bien. Maintenant, il y a des dérives, il y en a eu et il y en aura toujours. A un moment donné, c’est dur à dire, mais moi j’ai gagné un entraîneur et j’ai peut-être perdu une partie du père. Car un entraîneur doit parfois être dur, et ce n’est pas forcément ce qu’on attend d’un père avec son enfant. D’autres coachs peuvent vous faire des promesses mais un moment ils vous laissent tomber. Votre famille, elle, ne vous laisse jamais tomber.

Vous évoquez souvent votre rencontre avec le Pape Jean-Paul II. Pourquoi ce souvenir extra-sportif est-il si important dans votre carrière ?

Parce que si je n’avais pas fait de sport, je n’aurais jamais vécu cela. Vous avez 15 ans et vous rencontrez le Pape. On est en 1979, il y a encore le bloc de l’Est, le pape vient de Pologne, il a été élu il y a un an… Il représentait une ouverture au monde. La première fois que je le vois c’est avant une compétition en Italie. On est 300 personnes, on me pousse devant et je lui serre la main ! Quelqu’un me demande : « Mais pourquoi tu n’as pas baisé l’anneau papal ? » Mais je ne savais pas moi, j’étais gamin ! Le Pape, je ne savais même pas comment l’appeler ! (rires). Le lendemain, alors que sa voiture passe, il décide de s’arrêter pour me dire bonjour pendant que je faisais un footing. J’étais bluffé quand il s’est mis à me parler en français.

Le sport vous a permis de vivre des choses un peu folles. Vous avez aussi fait la une d’un jeu vidéo en 1987 « Les dieux de la mer »…

C’est un peu comme si j’avais fait la jacket de Fifa ! Mais à l’époque, il n’y avait pas les réseaux sociaux. J’ai même fait un disque ! J’ai aussi aidé à dessiner un bateau, qui n’a pas marché. J’ai contribué aussi à imaginer les premiers simulateurs avec de l’eau pulsée. Mais c’est vrai que le jeu vidéo à l’époque, c’était les tout débuts. Il a été pas mal vendu, c’était sur Astrad, Thomson et Attari.

Vous y jouiez ?

Ah oui, mais j’étais nul ! (rires). Je crois que j’en ai encore quelques exemplaires, mais je n’ai plus la console.

Désormais, vous travaillez aussi pour l’entreprise Synergie, comme responsable des relations publiques. Etes-vous un homme pressé ?

J’ai toujours eu l’habitude de voyager, d’être toujours en mouvement. Je pensais qu’à la fin de ma carrière sportive je serais plus cool. Et puis, le naturel revient au galop. Maintenant, mon sport, c’est de courir entre deux rendez-vous ! (rires) Mais j’avais déjà ce côté multitâche quand j’étais jeune. Mon père m’a fait faire beaucoup de sports.

Lesquels ?

J’ai fait du football jusqu’en cadet au FC Nantes, du ski alpin, du judo, du basket et un peu de boxe. Mon père m’a fait faire tout cela en se disant que ce sont des sports complémentaires. Coco Suaudeau m’a entraîné quand j’étais en minime, et Raynald Denoueix l’année d’avant. Le basket m’apportait la détente, la boxe c’était pour la résistance. Et le judo, c’était pour apprendre à tomber. Mon père avait cette vision d’ensemble. A un moment, le champion, c’est celui qui a le petit truc en plus. Et ça, vous l’amenez des disciplines extérieures.

Vous pratiquez toujours le ski nautique aujourd’hui ?

Très peu. Car il y a une grosse frustration personnelle quand je skie, parce que je suis carrément minable par rapport à ce que je faisais, et ça m’énerve. Et le lendemain, ça me rappelle que je n’ai plus le même âgé, j’ai mal partout !

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