Par akademiotoelektronik, 23/03/2023

Toulouse. Aéroport : dans les coulisses de la sécurité

Dans un microcosme ultra-sécurisé, la compagnie de gendarmerie des transports aériens (CGTA) a accepté de nous faire passer le portique. Reportage à l'aéroport de Toulouse-Blagnac, sous un autre angle.

Tout sourire, Annick débarque comme tous les jours au poste d'accès routier avec inspection et filtrage des personnels (Parif) de l'aéroport Toulouse-Blagnac. Comme tous les 7 000 employés du site, elle badge et passe son sac à main au scan devant les agents de sécurité de la société ICTS. Comme souvent, les militaires de la gendarmerie des transports aériens (GTA) participent à ce contrôle improvisé. Ce sont les garants de la sûreté et la sécurité des pistes, de l'enregistrement en passant par l'intérieur des aéronefs. Ils ont autorité pour exercer partout sur ces terres contrôlées par la police de l'air et des frontières (PAF). Et la synergie entre les forces de l'ordre n'est pas un vain mot à Blagnac. «On n'est plus du tout dans des missions de garde barrières comme avant, prévient d'emblée le chef d'escadron Hervé Marie, commandant de la compagnie de l'Occitanie. On contrôle notamment le travail des agents de sécurité.»

Si la GTA peut gérer les vols de bagages - «90 % sont commis dans des aéroports étrangers » - ou la validité de titres de transport, la majorité de ses missions relèvent de l'opérationnel, du judiciaire. «Les passagers ne nous voient pas forcément mais notre travail, c'est leur sécurité», sourit Annabelle Rufino, inspecteur de fret, en pleine zone d'évolution contrôlée des avions.

En liaison permanente avec le bureau d'enquêtes et d'analyses (BEA) et la direction générale de l'aviation civile (DGAC), les militaires interviennent également sur les crashs d'avions, d'ULM, de parapentes… D'ailleurs, à la brigade de Toulouse-Blagnac, une boîte noire pas tout à fait comme les autres est exposée. Pas comme un trophée mais bien comme un support de formation. «C'est celle du crash de l'A 330 en 1994. Sept morts», déplore le patron des lieux, le lieutenant Matthieu Morel. Mais ses hommes effectuent une nébuleuse de taches qui ne sont pas toutes astreintes à ce genre d'événements rarissiLa gendarmerie des transports aériens es. La surveillance du ciel et des drones qui y pullulent les occupe aussi. Entre les centrales nucléaires ou les maisons d'arrêt survolées de plus en plus souvent, les missions ne manquent pas. Elles s'effectuent en relation avec les hélicoptères du détachement aérien de Francazal ou leurs télépilotes. Une mission a d'ailleurs été organisée sur Toulouse, en zone police, pour une levée de doutes. RAS, comme ils disent.


Lieutenant Matthieu Morel, Commandant de la brigade de gendarmerie des transports aériens (BGTA) de Toulouse-Blagnac

«On ne sort pas indemnes de certaines enquêtes»

Quelle est la place de votre brigade dans l'Occitanie ?

Toulouse. Aéroport : dans les coulisses de la sécurité

Comme les brigades de Tarbes, Perpignan ou Montpellier et le PSIG-TA, nous relevons de la compagnie de gendarmerie des transports aériens. Basée à l'aéroport de Toulouse-Blagnac, la BGTA s'assure d'abord que l'ensemble des mesures de sûreté est bien appliqué par les prestataires. Mais nos missions s'étendent à l'ensemble de la région Midi-Pyrénées : sécurité de l'aviation, contrôle des plateformes aéroportuaires ou d'aéroports de moindre importance, comme Rodez et Castres, et la constatation de toute infraction liée à l'aéronautique. On a d'ailleurs trois pilotes d'avions dont un instructeur : c'est une équipe très complète qui travaille main dans la main avec le BEA. Nous intervenons plus spécialement sur les crashs d'engins ultralégers ou avions de tourisme.

On n'ose qu'imaginer ce à quoi vous devez être confronté…

La mort fait partie de notre métier de gendarme. Il est vrai qu'en GTA, on peut découvrir des cadavres dans des états très particuliers. Mais pour avoir été en unité de recherche, j'ai déjà trouvé des gens décédés qui semblaient endormis, d'autres calcinés, découpés, etc. On ne s'y habitue jamais. Même si notre force, c'est l'humanité, certaines scènes de crime imposent un certain détachement. Après, le plus dur reste toujours les enfants…

Avez-vous déjà été confronté à un crash très meurtrier ?

Deux de nos militaires ont participé à l'enquête sur la Germanwings. Même s'ils ne sont pas allés sur zone, ils ont mené depuis la BGTA des investigations très précises dont on ne sort jamais indemnes…

Et à l'image du planisphère présent sur votre écusson, le volet international est très présent dans votre métier ?

Dès qu'il y a un accident à l'étranger impliquant des Français, la GTA est saisie. Et dans un autre registre, on travaille beaucoup sur les lance-missiles développés lors de la Seconde Guerre mondiale pour contrer les raids aériens. Depuis quelques années, les stocks libyens ont été disséminés et certains terroristes dans le Sahel, notamment l'État islamique, s'en emparent. Même si ici, le risque est très faible, notre travail de prévention consiste à cartographier la menace dans le monde entier. Mais on mène aussi des missions de formation sur le terrain en collaboration avec les Américains et les Britanniques pour sensibiliser les locaux au fonctionnement de ces armes et à la mise en place de mesure dissuasives. Avec des représentants de l'armée de l'air et du pôle analyse du risque de l'Aviation civile, on part justement mi-septembre en Afrique.


PSIG-TA : force de frappe antiterroriste

«C'est bizarre : il est en treillis kaki et il porte des jumelles. D'habitude les spotteurs (1) sont habillés comme vous et mois.» À ceci près que l'adjudant-chef Laurent Peiffer dispose d'un véritable arsenal de guerre. Au cas où. Prise d'otages, tuerie de masse, attaque terroriste, criminalité organisée : son peloton de surveillance et d'intervention de gendarmerie des transports aériens (PSIG-TA) est paré à toutes les éventualités. «Il faut être prêt le jour J donc on s'entraîne tout le temps pour être efficace. Il s'agit de réagir au mieux avec les outils adaptés», explique-t-il devant son fusil Famas, casque lourd ou bouclier de défense. Poids approximatif de l'équipement : 60 kg. «Mais quand on est en opération, l'adrénaline fait qu'on le supporte mieux et on avance au gré de ce que l'on trouve», signale le n° 2 du PSIG-TA, compétent dans toute l'Occitanie. Et il sait de quoi il parle.

Cet ancien tireur d'élite qui a travaillé des années au plus près du président de la République n'a jamais dû appuyer sur la gâchette. Mais chaque jour, il s'y prépare. Mieux encore, le PSIG-TA change régulièrement de lieux d'entraînement pour «casser la routine» et «ne pas s'habituer à certains endroits». «S'il y a une attaque, les primo-arrivants gèlent les lieux et une équipe est déployée avec un pack balistique pour progresser. Si la tuerie continue, on intervient pour la faire cesser et on sollicite le renfort du GIGN.» Anticiper ce genre d'événement dramatique demande aussi un travail de renseignement conséquent sur les employés, les voyageurs ou les futurs pilotes. Et avec ses seize personnels, dont trois équipes cynophiles, tous guettent sans relâche le moindre comportement suspect. L'individu au treillis aperçu en zone «ville» en train de photographier un site d'Airbus a par exemple été contrôlé. Car depuis le «linéaire», cette route interne à l'aéroport qui dessert toute la «ville» du tarmac, les militaires du PSIG-TA sont identifiés par tous. Et ce, en liaison permanente avec la tour de contrôle pour se déplacer sur les pistes, gyrophares à l'appui et selon une signalétique spécifique. Même le pilote du Beluga XL prend parfois le temps de les saluer. Une connaissance de leur territoire qui leur permet d'être d'autant plus opérationnels sur des missions de recherche d'explosifs, d'armes ou de stupéfiants.


Le chiffre : 65

Ans > En 2018. Créée le 31 mars 1953, la gendarmerie des transports aériens (GTA) fête ses 65 ans cette année. Dépendant du Groupement Sud et basée à Toulouse-Blagnac, la compagnie regroupe désormais l'ensemble de l'Occitanie pour environ 80 militaires. Soit 7 aéroports, 45 aérodromes publics et 350 stations secondaires.


Trèbes : des Toulousains à la manœuvre dans l'espace aérien

Désormais, le découpage de la direction de la sécurité de l'aviation civile (DSAC) Sud correspond à celui de la CGTA. Une réorganisation en interne qui a permis à la compagnie de l'Occitanie d'être très réactive pour l'attaque terroriste du Super U de Trèbes, le 23 mars 2018. «On a eu besoin de projeter du monde sur zone et de renforcer très vite la surveillance sur l'aéroport de Toulouse-Blagnac. Les premières minutes, on ne savait pas encore ce qu'il se passait», se rappelle le chef d'escadron Hervé Marie. Après avoir créé une zone d'atterrissage temporaire, les militaires des airs ont «gelé» le ciel des kilomètres autour du supermarché. «Le but, c'était qu'il n'y ait que nous en survol. On a pris l'espace aérien pour dépêcher un hélicoptère et un drone en complément des actions au sol», poursuit le patron de la compagnie. Et à l'aéroport, un miniposte de commandement de crise qui a été installé, notamment pour faciliter le déplacement des autorités. «C'est aussi dans ce genre de manœuvres que l'on mesure mieux la plus value de la connaissance de la gendarmerie des transports aériens, note le commandant. En espérant qu'on ne le revive pas.»

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