By akademiotoelektronik, 28/07/2022

Arsen Khisamutdinov L’étrange aventure d’un espoir russe du Canadien

Pour les partisans montréalais, suivre pas à pas les espoirs du Canadien est presque un sport en soi. Arsen Khisamutdinov L’étrange aventure d’un espoir russe du Canadien Arsen Khisamutdinov L’étrange aventure d’un espoir russe du Canadien

Publié le 10 déc. 2021
Simon-Olivier LorangeLa Presse

Pourtant, combien peuvent prononcer sans se tromper le nom d’Arsen Khisamutdinov ? En fait, combien se souviennent même de lui ? Le Russe de 23 ans, repêché au sixième tour en 2019, a vu son contrat avec le CH résilié, jeudi. Il est ainsi parti comme il est arrivé : dans l’anonymat le plus complet.

Ses quelque deux ans et demi d’association avec le Tricolore ont été une succession d’incongruités.

Dominant à sa dernière année junior dans son pays natal (55 points en 41 matchs), le grand gaillard de 6 pi 3 po avait connu des débuts intéressants dans la KHL, avec 5 points à ses 9 premiers matchs. Or, le jour même de son repêchage, en juin 2019, tous les observateurs se grattaient la tête. Khisamutdinov, 21 ans, n’avait jamais figuré sur la liste des patineurs internationaux de la centrale de recrutement de la LNH.

« Peu de recruteurs le connaissent, avait alors déclaré le responsable du recrutement amateur du CH, Trevor Timmins. Il n’a pas joué dans les équipes nationales, car il s’est développé tardivement. »

Si on ne l’avait pas repêché, il serait devenu un joueur autonome convoité par plusieurs équipes.

Trevor Timmins, ex-responsable du recrutement amateur du Canadien

Au cours de la saison suivante, soit en 2019-2020, Khisamutdinov a connu du succès dans la VHL, circuit russe comparable à la Ligue américaine, mais son passage à temps plein dans la KHL a été pénible : seulement 3 points en 31 matchs à Nizhnekamsk.

Même si les équipes de la LNH conservent pendant quatre ans les droits sur les joueurs européens et américains qu’elles repêchent, le Canadien s’est empressé de lui accorder un contrat en mai 2020, faisant de lui le premier joueur de sa cuvée 2019 à s’entendre avec le club, avant Gianni Fairbrother (mars 2021), Cole Caufield (mars), Rafaël Harvey-Pinard (mai) et Mattias Norlinder (juin). À l’évidence, on voulait que le développement de l’attaquant se poursuive en Amérique du Nord et non plus en Russie.

Ardu à Laval

Khisamutdinov aurait difficilement pu débarquer dans des circonstances plus défavorables. En toute logique, il s’est directement rapporté au Rocket de Laval, mais dans un contexte pour le moins particulier.

Arsen Khisamutdinov L’étrange aventure d’un espoir russe du Canadien

Plusieurs clubs de l’ECHL, tout comme les ligues junior de l’Ontario et de l’Ouest, ont fait l’impasse, en totalité ou en partie, sur la saison 2020-2021. Cela a eu pour effet que des formations de la Ligue américaine, dont le Rocket, se sont retrouvées avec des effectifs beaucoup plus importants qu’à l’habitude. Le jeune homme s’est donc retrouvé au milieu d’un immense bassin de joueurs.

En outre, COVID-19 oblige, il habitait seul. Baragouinant à peine l’anglais, son isolement est devenu inévitable.

La limite linguistique a aussi été un frein à son apprentissage sur la glace. Avec le résultat qu’il a peu joué – seulement 15 matchs, au cours desquels il n’a obtenu qu’une mention d’aide. Même s’il a dû composer avec une formation réduite pendant une bonne partie de l’hiver, en raison de rappels du Canadien ou de blessures, l’entraîneur-chef Joël Bouchard a plus d’une fois préféré employer des défenseurs en attaque que de faire jouer Khisamutdinov.

Bouchard n’a pas fait de détours en parlant de lui lors de son bilan de fin de saison, en mai dernier. « C’est un super bon jeune, j’ai eu zéro problème avec lui », a-t-il assuré. Or, sur le plan hockey, malgré des « améliorations » en cours de saison, l’attaquant « partait de très loin ».

« Des fois, il y a des choses explicables, d’autres moins, avait dit Bouchard. Je ne tiens pas son bâton non plus. […] On a fait beaucoup de vidéo, j’utilisais un traducteur sur mon téléphone. J’ai vu qu’il essayait beaucoup, mais c’était beaucoup pour lui. Il ne faut pas retenir ça contre lui. On verra ce qui va arriver l’an prochain. »

Ardu à Trois-Rivières

En vertu de l’association entre le Canadien et les Lions de Trois-Rivières, dans l’ECHL, il était évident que c’est en Mauricie que Khisamutdinov poursuivrait son parcours.

Après être passé en coup de vent au camp d’entraînement du Canadien (il n’était pas au camp des recrues), puis à celui du Rocket, il a sans surprise été cédé aux Lions.

À la veille du premier match de la saison, en octobre dernier, des joueurs avaient expliqué qu’ils tentaient de l’intégrer au groupe du mieux qu’ils pouvaient, et ce, même si son anglais était encore extrêmement rudimentaire.

Ses coéquipiers Cédric Desruisseaux et Justin Ducharme, qui étaient aussi ses colocataires, ont décrit à La Presse un « gars assez tranquille », peu extraverti.

« Au moins, en habitant avec nous, il a la chance de pratiquer son anglais, avait raconté Ducharme. Il nous suit, il vient à l’épicerie avec nous. Il essaie, mais ce n’est pas toujours facile. »

« Il ne viendra pas s’asseoir avec nous dans le salon quand on écoute la télé en français, alors il joue à des jeux vidéo sur son ordinateur, avait enchaîné Desruisseaux. À l’aréna, il a plus de plaisir. »

« Plus le temps va passer, mieux ça va aller pour lui », avait aussi prédit Justin Ducharme.

Or, c’est plutôt le contraire qui s’est produit. Il a d’abord été forcé de rater des matchs aux États-Unis en raison d’un ennui de visa qui l’empêchait d’entrer au pays. Et l’entraîneur-chef Éric Bélanger, insatisfait de son travail, l’a laissé de côté à quelques reprises.

En entrevue téléphonique de Terre-Neuve, où jouent les Lions ce week-end, Bélanger a expliqué à La Presse que la barrière linguistique s’était révélée particulièrement contraignante. « Je ne pouvais pas avoir un meeting de 10 minutes avec lui », illustre le Québécois. Les communications plus complexes devaient se faire par l’intermédiaire de son agent.

La fin

Cela étant, le principal frein de Khisamutdinov a été son incapacité à suivre les patrons de jeu mis en place par le personnel d’entraîneurs.

« Pour jouer au hockey en Amérique du Nord, il faut être capable de jouer dans un système, de rentrer dans un cadre, poursuit Bélanger. C’est difficile pour lui. Chez les professionnels, on ne joue pas comme sur une patinoire extérieure. Quand tu ne suis pas la structure les trois quarts du temps, c’est tough. »

L’attaquant a néanmoins fourni une récolte très potable de cinq points, dont trois buts, en dix matchs. Mais son entêtement à ne pas contribuer à l’effort collectif était un problème manifeste.

Quand on essaie de créer une culture dans une nouvelle équipe, et que lui ne cadre pas mais qu’on continue de le faire jouer, quel message on envoie aux autres joueurs ? Ce n’est pas parce qu’il a un contrat de la LNH qu’il est différent des autres.

Éric Bélanger, entraîneur-chef des Lions de Trois-Rivières

Le pilote assure que jamais la direction du Tricolore ne lui a mis de la pression pour faire jouer Khisamutdinov. Il n’avait, par ailleurs, pas jeté l’éponge dans son cas, et le Russe était censé accompagner le club dans l’est du pays ce week-end.

Le plan a toutefois changé lorsque le patineur a demandé au CH de résilier son contrat afin de le laisser rentrer chez lui. L’équipe a exaucé son vœu et a confirmé la nouvelle dans un communiqué succinct, jeudi.

Il n’a pas été possible d’obtenir de commentaire additionnel de l’organisation à ce sujet. Nos messages à Mark Lapush, représentant de Khisamutdinov en Amérique du Nord, sont restés sans réponse.

Un point final étrange, en somme, à une aventure qui l’aura été tout autant, du début à la fin. La boucle est bouclée.

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