Par akademiotoelektronik, 06/10/2022

L'intelligence artificielle, arme fatale d'Alibaba pour supplanter Amazon

Selon Grégory Pouy,consultant en marketing citépar Petit Web, Amazon serait “à la traîne” face aux Chinois. Et deciter un exemple : “quand vous achetez un pinceau sur Alibaba, le sitevous recommande des cours de peinture. Alors que sur Amazon, une foisque vous avez acheté un pinceau, le site vous conseille d'autres.”

Il est vrai que les recommandations que l’on peut trouver par exemplesur AliExpress, site spécialisé dans la vente en gros, sont assezbluffantes : souvent, ce qui vous est proposé colle avec ce que vousauriez probablement recherché tout seul. Personnellement, je n’ai pastrouvé lors de mes expériences avec Alibaba que ces recommandationsétaient si différentes de celles d’Amazon - que je trouve tout aussijustes et proches de mes besoins.

Mais qui offre les meilleures suggestions actuellement n’est pas le plus important (d'ailleurs, si vous avez un avis sur la question, n'hésitez pas à en parler en commentaire). L’idée, en filigrane, c’estsurtout que l’IA pourrait être un moyen pour les concurrents d’Amazondans le commerce électronique, de prendre l’ascendant. Alors,serait-ce possible ? Alibaba pourrait-il un jour vaincre Amazon grâceà son intelligence artificielle ?

Amazon, une machine de guerre

En 20 ans, Amazon est devenu la référence des sites dee-commerce en France, en Europe et aux Etats-Unis. Quand on parle des“géants du Web”, on pense rarement à Amazon, focalisés que nous sommessur Google, Apple et Facebook, mais la firme de Jeff Bezos pourraitbien un jour dépasser ses 3 collègues.

Selon ScottGalloway, professeur de marketing à la NY university School ofBusiness, Amazonse détachera du lot pour plusieurs raisons. D’abord, parce qu’ils’agit du magasin en ligne dominant, représentant 45% du commerce enligne aux USA, au point que les facteurs ont parfois l’impression detravailler pour la firme. Amazon domine même les recherches en ligne :ainsi, 55% des recherches (le chiffre augmente chaque année) sur unproduit à acheter commencent directement sur son site, et non surGoogle.

Ensuite, parce que son énorme capitalisation boursière (700 milliardsde dollars, bientôt1000) lui permet d’investir en masse dans tous les secteursstratégiques : lavidéo à la demande et la production de fictions façon Netflix avecAmazon Prime Vidéo, les assistants vocaux avec Echo (qui tient tête à GoogleHome et au HomePod d’Apple), le commerce physique et l’alimentaireavec la chaîne de supermarchés bio Whole Foods (racheté en juin 2017)et son service Prime Now,ou encore les services de cloud computing pour les entreprises etparticuliers avec AWS (Amazon Web Services). Un véritable petit“empire” très lucratif.

Alibaba, l'outsider chinois

Face à cette machine de guerre, un seul vrai concurrent : le chinoisAlibaba, qui commence à s’étendre dans le monde et à investir luiaussi un peu partout, avec une capitalisation boursière tout aussiimportante (500 milliards de dollars). Ses sites e-commerce destinésaux particuliers, AliExpress et Taobao, sont de plus en plus prisés enEurope, en particulier parce que ce qu’ils proposent à la vente des produits très bon marché. Mais en l’état, Alibaba n’est qu’une “marketplace” :il met en relation des vendeurs et des acheteurs, mais ne vend pas sespropres produits, ne gère pas de stocks, et n’assure pas leslivraisons - contrairement à Amazon qui livre “en un clic” et en 24havec son service premium, Prime.

L'intelligence artificielle, arme fatale d'Alibaba pour supplanter Amazon

Alibaba tente de suivre Amazon à la trace autant qu’il peut en sediversifiant et en se globalisant. Outre AliExpress en Europe etTaobao, le BATX (équivalent des GAFA en Asie) possède des sitese-commerce pour les marques chinoises et internationales (Tmall et Tmall Global), des sites de servicecomme Alibaba Cloud, Alitrip ou Flizy pour les voyages, et Alipay, unservice de paiement à distance. Longtemps, il investissait uniquementen Asie du Sud-Est, mais depuis 2014, ilinvestit aussi en Inde, où Amazon est présent. Alibaba commenceapparemment aussi par lorgner sur les livraisons, en investissant dansSingPost, le système postal de Singapour, et en rachetant Cainiao, unréseau logistique chinois. L’été dernier, il a aussi lancé unconcurrent de l’Amazon Echo et d’Alexa : leTmall Genie X1, qui possède son propre assistant vocal, AllGenie,et qui permet d’aider son utilisateur dans son processus d’achat.

L'IA, avantage concurrentiel

Mais malgré ces investissements massifs, et le fait qu’Alibaba dépasseAmazon en nombre de clients (454 millions contre 310, en 2017), legroupe chinois a encore du mal à percer en Occident, où il resteencore assez méconnu, en plus de livrer moins vite que l’entrepriseaméricaine. D’où l’intérêt de l’intelligence artificielle, commeavantage concurrentiel.

Lapersonnalisation, voilà la clé du e-commerce. En proposant,subtilement, des produits à acheter à l’utilisateur en fonction de cequ’il a déjà acheté, ou de ses visites sur le site, l’IA (qu’ils’agisse de celle d’Amazon ou de celle d’Alibaba), lui donne un “coup depouce” fort utile. Et quand l'acheteur a apprécié une recommandationutile, il s’en souvient et a généralement tendance à retourner sur lesite d'e-commerce en question.

Grâce à ses recommandations de produits, Amazon a enregistré uneaugmentation de 34% de son chiffre d’affaires au dernier semestre2017. Facile de comprendre, donc, pourquoi le GAFA mise à fond surl’IA depuis déjà un certain temps : il ouvre par exemple en ce momentmême des centres de recherches àBarcelone et enAllemagne, afin de développer toujours plus d’algorithmesd’apprentissage machine et de traitement du langage naturel (NLP),qui, couplés à son énorme base de données d’achats des consommateurs,lui permettront de prédire plus finement les articles que ses clientspourraient bien vouloir acheter.L’IA permet aussi à Amazon de faire marcher son assistant personnel,Alexa, ainsi que d’optimiser ses activités de livraison. Le brevet d’Amazon sur les paiements en un clica expiré l'automne dernier - et c’est sans doute pour continuer à repousser sesconcurrents que la firme a récemment déposé “de nombreux brevets d’IAet de Machine Learning”, selon Business Insider.

Alibaba, à fond dans l'IA

Alibaba semble prêt à relever le défi : il compte investir15 milliards de dollars en R&D, principalement dans le domainede l’IA, entre 2018 et 2021 (avec la création de 7 labos de recherche,partout dans le monde). Et il aurait tort de s’en priver, carapparemment, l’IA d’Amazon est encore loin d’être parfaite. Deschercheurs de l’université de Toronto ont ainsi testé sesalgorithmes de recommandation de produit : “l’IA prédit exactementce que nous voulons acheter environ 5 % du temps. En d'autres termes,nous achetons environ un article sur 20 qu'il recommande”,indiquent-ils. Autant dire que malgré l’impression des utilisateurslambda d’avoir face à eux des suggestions fines, Amazon a encore duboulot.

Le géant du commerce électronique chinois utilise, tout comme Amazon,une base de données clients massive (qui vient de ses nombreux sites,mais aussi d’Alipay), couplée à l’intelligence artificielle. Sonsystème de recommandations d’Alibaba, “E-Commerce Brain”, utilisedes données en ligne en temps réel, ainsi que des réseaux de neuronesartificiels et des algorithmes, pour construire des modèles qui luipermettent de prédire ce que les consommateurs veulent.Grâce à l’IA, ces modèles prédictifs sont mis à jour pour chaqueinternaute, en fonction de ses achats passés, mais aussi de sanavigation, de ses commentaires, de ses “favoris” et de sespréférences (catégories de produits, marques, etc.), ainsi que ducomportement d’achat des millions d’autres utilisateurs du site. SelonAlibaba, l’utilisation de cette technologie lui aurait déjà permisd’augmenter son taux de conversion de 20% l’année dernière.

Alibaba place ses pions

Tout commeAmazon avec Web Services, le groupe chinois a en outre lancé cetteannée sapropre plateforme d’IA, DT PAI, destinée aux développeurs et auxentreprises qui utilisent ses sites de vente en ligne, afin de lesaider à “prédire le comportement des utilisateurs”. En prédisant lestendances d’achat, DT PAI devrait permettre aux vendeurs d’améliorerleurs produits, ainsi que leur gestion des stocks et des livraisons.

SelonBryanCiambella, de la société de conseil B Capital, 75% desconsommateurs américains “croient que personne ne peut offrir unemeilleure expérience en ligne qu'Amazon”. Alibaba s’interdit pourl’instant d’investir aux Etats-Unis, mais pour combien de temps ?Le chinois place ses pions, et se prépare d'abord à inonder l'Europe. Auxdernières nouvelles, en France en tout cas, le groupe asiatique decommerce en ligne commence à corriger l’un de ses points faibles, lesdélais de livraison. Selon Le Monde, il teste depuis juillet 2017 lalivraison dans l’Hexagone à partir d’un entrepôt installé enrégion parisienne. Alibaba serait aussi à la recherche d’espaces destockage à louer, et discuterait avec des “partenaires logistiques”. Sur le site AliExpress, des livraisons en 24h sont en outre proposées.

A noter que les progrès du chinois dans le domaine de l’IA sont assezimpressionnants : en janvier 2018, l’un de ses centres de recherches,l'Institute of Data Science of Technologies (iDST), a mis au point unmodèle de réseau de neurones artificiels qui a obtenude meilleurs résultats que les humains à un test de lecture et decompréhension conçu par l’université de Stanford. Cette avancée dansle domaine du NLP a très probablement donné des sueurs froides àAmazon. La tâche est difficile, mais rien n'est impossible, et si elle est bien conçue (et recommande effectivement des cours de peinture), l'IA de recommandation d'Alibaba pourrait fort bien faire la différence.

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