Par akademiotoelektronik, 16/11/2022

Blue Origin : quatre choses à savoir sur Wally Funk, la pilote octogénaire dont Jeff Bezos va réaliser le rêve d'espace

Le ciel est sa limite. Toute sa vie, Mary Wallace Funk, alias Wally Funk, a regardé vers les étoiles. Après six décennies à essayer de devenir astronaute, cette pilote doit voir son rêve se réaliser, mardi 20 juillet, grâce à Jeff Bezos, qui l'a choisie pour embarquer à ses côtés à bord de la fusée New Shepard de sa société spatiale, Blue Origin. Elle décollera depuis Launch Site One, la base de lancement de Blue Origin, dans l'ouest du Texas.

A 82 ans, la pilote va devenir la personne la plus âgée à voyager dans l'espace. Franceinfo vous présente quatre facettes de celle qui "aime faire des choses que personne d'autre n'a faites".

1 Elle y croit depuis son plus jeune âge

Wally Funk grandit à Taos, une petite ville du Nouveau-Mexique (Etats-Unis). A 5 ans, "elle saute de la grange avec une cape de Superman, s'attendant à voler elle aussi. Heureusement, il y avait une botte de foin pour amortir sa chute", sourit sa biographe, la journaliste scientifique Sue Nelson, autrice de Wally Funk's Race for Space : The Extraordinary Story of a Female Aviation Pioneer.

Wally Funk prend ses premières leçons de vol à l'âge de 9 ans. C'est une enfant agile, qui partage son temps entre ses activités d'extérieur, de la bicyclette à la chasse, et ses maquettes d'avion en balsa. Au lycée, la barrière du genre se dresse une première fois sur sa trajectoire. On lui interdit de prendre des cours de mécanique, réservés aux garçons. A l'université, elle est autorisée à prendre les commandes et obtient sa licence de pilotage.

La jeune femme rejoint ensuite l'université d'Etat de l'Oklahoma, "la meilleure école de pilotage des Etats-Unis, des années 1950 jusqu'aux années 1970", selon son récit dans une interview publiée en 1999 par la NASA (en anglais). C'est alors qu'elle devient instructrice de vol à Fort Still, une base militaire située en Oklahoma.

2Elle a fait partie des "Mercury 13"

Au début des années 1960, la concurrence entre les Etats-Unis et l'URSS pour la conquête spatiale fait rage. Pour préparer un homme à partir dans l'espace, les Américains lancent le programme Mercury. Un médecin impliqué dans le projet décide de faire passer les épreuves de sélection à des femmes, pour voir si elles sont capables de les réussir.

Blue Origin : quatre choses à savoir sur Wally Funk, la pilote octogénaire dont Jeff Bezos va réaliser le rêve d'espace

Treize candidates sont retenues, d'où le surnom de "Mercury 13". Wally Funk est la plus jeune d'entre elles, comme le raconte le documentaire Netflix consacré à ces pionnières. Les tests auxquels elles sont soumises sont éprouvants. "Ils nous poussaient dans nos retranchements", se remémore Wally Funk, qui dit avoir "enduré beaucoup de douleurs".

"Elle a dû avaler plus de 90 cm de tuyau en caoutchouc pour examiner les sucs gastriques dans son estomac, écrit Sue Nelson dans son livre. Je lui ai demandé si c'était inconfortable ? 'Oh, mon Dieu, oui', a-t-elle répondu. 'C'était une sorte de choc. J'ai avalé tellement de tubes. Mais je pouvais le supporter'."

Dans un autre test, la jeune adulte se retrouve enfermée dans une cuve à l'isolation phonique parfaite, remplie d'eau à la température de son corps, afin qu'elle ne sente plus rien. La voilà allongée dans le noir. "J'étais sur le dos, flottant dans cette eau, sans pouvoir utiliser mes cinq sens", raconte-t-elle. Elle bat le record, en y restant 10 heures et 35 minutes.

Le projet "Mercury 13" démontre l'intérêt d'envoyer des femmes dans l'espace. "Les femmes pèsent moins lourd et nécessitent moins de nourriture et d'oxygène", défend l'une des "Mercury 13", l'aviatrice américaine Jerrie Cobb, dans un entretien à la chaîne canadienne CBC (en anglais) en 1963. "Les femmes peuvent travailler plus longtemps assises en confinement" que les hommes, qui supporteraient moins "l'isolement et l'ennui" du vol, ajoute-t-elle, citant les psychologues associés au projet.

Pourtant, le programme est abandonné. La Nasa n'en veut pas. "Wally Funk est passée à autre chose et a continué à piloter, mais elle n'a pas abandonné", affirme Sue Nelson. Il faut attendre 1983 pour qu'une première Américaine, Sally Ride, rejoigne l'espace, et 1995 pour qu'une autre, Eileen Collins, devienne la première à piloter une navette spatiale.

3Elle a formé 3 000 pilotes

Quatre fois, Wally Funk a candidaté pour devenir astronaute à la Nasa. Quatre fois, elle a essuyé des refus. "Parce que je n'avais pas de diplôme d'ingénieur, ils m'ont donné neuf mois pour obtenir un tel diplôme, ce qui était impossible", avance-t-elle. L'aviatrice avait aussi le tort de n'avoir pas suivi de programme de vol sur un avion de chasse militaire. "C'était impossible pour une fille à l'époque", répond-elle.

Sa course aux étoiles à nouveau contrariée, Wally Funk poursuit ses rêves d'exploration. Une opportunité se présente "tout à fait par accident", selon elle. Alors qu'elle est pilote et instructrice pour une compagnie en Californie et qu'elle convoite un poste de professeur à l'université de l'Alaska, un membre de l'Agence américaine de l'aviation (FAA) lui propose de devenir inspectrice pour l'organisme gouvernemental.

En 1975, au bout de quatre années à ce poste, elle change encore et devient la première enquêtrice du Conseil national de la sécurité des transports (NTSB). Elle traitera plus de 450 accidents jusqu'à sa retraite. Tout au long de sa carrière au sein de structures civiles et militaires, Wally Funk a formé quelque 3 000 pilotes et cumulé 19 600 heures de vol.

4Elle va effacer le record de John Glenn

A 82 ans, Wally Funk s'envole dans l'espace sans craindre les éventuelles conséquences d'un tel voyage. "Il n'y a pas de limite théorique d'âge pour aller dans l'espace, tant qu'on est apte médicalement... Elle a un peps incroyable", estime le spationaute Jean-François Clervoy, interrogé par franceinfo, qui ajoute qu'elle n'aura pas de tâches opérationnelles à effectuer là-haut.

La pionnière va au passage devenir la personne la plus âgée à s'envoler dans l'espace, dépassant John Glenn, premier Américain à effectuer un vol orbital en 1962, et qui s'offrit un dernier tour en 1998 à l'âge de 77 ans. Un bon pied de nez à la misogynie, car ce héros américain avait contribué à sceller le sort de "Mercury 13". "Les hommes partent faire la guerre et pilotent les avions, reviennent, aident à les concevoir, les construire et les tester. Le fait que les femmes ne soient pas dans ce domaine est un fait de notre ordre social", avait-il déclaré face aux représentants du Congrès en juillet 1962, selon The Atlantic (en anglais).

Toute sa vie, Wally Funk a cherché à démontrer le contraire. En 1999, elle déclarait à la Nasa : "Pourquoi ne pouvons-nous pas voler et aller dans l'espace ? Les hommes d'aujourd'hui qui pensent que nous ne pouvons pas, en tant que femmes, faire des choses. Désolée, les gars, nous pouvons."

"Wally voit cela comme la réparation d'une injustice, selon Sue Nelson, les 'Mercury 13' auraient dû être admises dans le programme spatial de la Nasa, elles étaient en avance sur leur temps." Elle conclut avec une confidence de Wally Funk sur son intention d'aller dans l'espace "pour elles toutes" : "J'ai attendu toute une vie, chérie."

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