Par akademiotoelektronik, 15/04/2022

Essai Munch Mammut 2000

Ultrabike de l'âge de glace !

4 cylindres en ligne suralimenté, 1.998 cm3, 260 ch, 295 Nm, 354 kg et 86.000 euros

Il y a des motos qui ont marqué leur temps, par leur puissance, leur prix ou leur excentricité poussée à l'extrême. La Munch Mammut fait partie de ces motos et on fête aujourd'hui son anniversaire.

Car c'est bien en 2001, il y a exactement 20 an, que la première des huit versions client de la Münch Mammut 2000, la plus puissante, la plus chère et assurément la plus extrême des motos de "série" de l'ère d'excès du nouveau millénaire, a été livrée à son fortuné propriétaire. À l'époque, bien avant la crise de 2008, alors que des marques s'affrontaient sur le marché des choppers et des Serie Oro à plus de 50.000 $, l'Allemand Thomas Petsch va plus loin que tout le monde avec son missile à deux-roues turbocompressé de deux litres délivrant 260 ch (191 kW) et coûtant une somme vertigineuse par rapport aux modèles de l'époque : 86.000 euros.

Petsch présente la Münch Mammut 2000 au public du salon Intermot en 2000. Il reçoit alors 78 commandes de clients du monde entier, principalement en Allemagne, au Japon, aux États-Unis et en Suisse.

L'entrepreneur a en effet acquis les droits sur le nom de Friel Münch, l'homme qui a construit 478 véhicules à moteur NSU à partir de 1966 et jusqu'à son tragique AVC en 1991. La marque reste ainsi allemande, même si la nouvelle sportive monoplace est conçue et fabriquée en Pologne avant d'être assemblée en Allemagne. Elle garde par contre ce qui a fait son histoire, une énorme consommation et des excès d'ingénierie. Et il prévoit alors d'en fabriquer 250, à raison d'une moto par semaine.

La veille de mon départ pour la base de Münch Motorradfabrik pour la ville de Würzburg, nichée sur les rives de la rivière Main, pour piloter l'une des premières Mammut de pré-production que Petsch et son équipe avaient construites, Thomas avait ajouté un nom de plus à cette liste avec sa première potentielle madame Münch. C'était une avocate New Yorkaise qui avait vraisemblablement l'intention d'utiliser son deux-roues suralimenté pour se rendre au tribunal en descendant la 5th Avenue et donner au NYPD une raison de s'inquiéter autre que le crime organisé et la politique de tolérance zéro...

La plupart des composants étaient fabriqués en Pologne avant d'être expédiés en Allemagne pour être assemblés dans l'usine Sachs de Nuremberg en utilisant une main-d'oeuvre et des installations louées par Münch. Le prix de 86.000 euros comprenait alors la TVA locale (16%) et le fret aérien pour n'importe quel pays du monde. Chaque acheteur recevait alors un code d'accès personnel à une webcam grâce à laquelle il pouvait regarder l'évolution de sa Mammut personnelle en direct. Ce n'était pas seulement la moto la plus coûteuse de l'époque, mais aussi la plus exclusive, la plus puissante, la plus coupleuse, la plus massive et - eh bien, la plus TOUT, tout simplement !

Découverte

Si le prototype de la Mammut 2000 a été lancé à l'occasion d'Intermot 2000, le nombre ne fait pas référence à son millésime, mais bien à la capacité de son moteur 4 cylindres en ligne à double arbre à cames tête et 16 soupapes, entièrement développé en interne par Münch et non pas adapté d'un moteur automobile existant comme ce fut le cas pour les Mammoth 1200 du siècle dernier.

Pour créer ce moteur à refroidissement liquide de 1.998 cm3, Petsch est parti d'une culasse Cosworth DACT 16 soupapes initialement développée pour l'Opel Calibra, l'a adapté pour une utilisation sur une moto et a ensuite mis au point le reste du carter humide à quatre cylindres.

Le moteur de 86x86 dispose ainsi de cylindres en aluminium et d'un carter en magnésium contenant 5 litres de lubrifiant avec un vilebrequin à palier lisse, des bielles Hoeckle et des pistons forgés Mahle offrant une faible compression de 9:1. L'entrainement direct par courroie est situé à droite des deux arbres. Le fonctionnement du moteur est surveillé par un calculateur Bosch Motoronic.

Les performances qui en résultent sont impressionnantes avec pas moins de 260 chevaux à 5.650 tr/min (pour un régime maximal de 8.500 tr/min et un couple de 295 Nm atteint dès 3.500 tr/min. L'ensemble se complète par l'installation d'une boite de vitesse à 6 rapports avec un embrayage à bain d'huile à 13 disques utilisant des garnitures en céramique pour réduire les frictions.

Le châssis dans lequel repose le mégamoteur présente une conception conventionnelle en acier au chrome-molybdène à double berceau. Le bras oscillant en fonte d'aluminium actionne des amortisseurs Öhlins développés pour la moto, montés horizontalement sous le moteur et fonctionnant de manière conventionnelle en compression avec un lien adapté à la fourche inversée de 43 mm de la société suédoise.

Des disques en fonte Spiegler de 320 mm et des étriers à quatre plaquettes et huit pistons de la même marque trouvent place à l'avant tandis qu'un rotor de 280 mm est installé à l'arrière avec un étrier flottant à 4 pistons. Les pneus Bridgestone de série sont montés sur des jantes de 17 pouces en aluminium forgé avec un large 200/50ZR17 derrière pour assurer une bonne transmission de la puissance au sol.

Essai Munch Mammut 2000

L'empattement est long de 1.540 mm et la géométrie de direction très ouverte avec un angle de chasse de 28° et une traînée de 115 mm qui font honneur au nom de la moto.

Le coût n'était évidemment pas un souci dans la production de cette moto, alors Thomas Petsch était-il satisfait des fruits de son travail acharné et de ce substantiel investissement ?

En selle

J'ai piloté des motos assez intimidantes à mon époque. Mais j'admets avoir été plus qu'impressionné lorsque j'ai aperçu pour la première fois la Mammut 2000 à bord de laquelle j'allais passer plusieurs journées en compagnie de Thomas Petsch sur sa propre TTS 1200 de 1969. Voir la Mammut sous le soleil printanier devant le QG de Münch était plus que déconcertant, avec la lumière scintillant sur son faisceau de phare comme un oeil de loup alors que le moteur chauffait doucement. Le bruit émanant du silencieux d'échappement placé sous la selle sonnait comme celui d'une voiture, ce qui m'a soudainement fait réaliser que la voiture que j'avais conduite la veille jusqu'à l'aéroport de Londres avait un moteur turbo de deux litres aux spécifications similaires à celles de la moto que je venais tester. Seulement, cette moto développait 45 chevaux de plus que la voiture, pesait moins de la moitié de son poids et, au lieu des quatre roues motrices, délivrait toute sa puissance au sol par l'intermédiaire d'un unique pneu arrière Bridgestone de 200. Hmmm, définitivement intimidante...

Monter à bord de la Mammut n'a fait que renforcer cette impression. La position de conduite est sans aucun doute le plus gros obstacle à surmonter pour s'adapter à la Münch. C'est franchement très étrange ! La largeur extrême de l'énorme moteur transversal à 4 cylindres en ligne de 1.998 cm3 nécessite que les repose-pieds soient placés très loin en arrière et, bien que cela signifie que la jambe gauche évite le moteur, le carter des arbres à cames entraînés par courroie entre en contact avec la partie supérieure de la jambe droite. Il en résulte une position de jambes écartées dont l'improbabilité est accentuée par le fait que les pieds sont très loin dernière. C'est aussi bien qu'il n'y ait pas de selle passager, car il ou elle n'aurait nulle part où mettre ses pieds. Quoi qu'il en soit, "c'est une moto d'homme, conçue pour voyager seul et rapidement", comme le déclarait Petsch. Tout à fait...

Essai

En fait, malgré le rembourrage assez dur de la selle, je me suis finalement habitué rapidement à la position de conduite semi-inclinée, d'autant plus qu'elle est assez aérodynamique aux très hautes vitesses dont est capable la Münch, même si elle est limitée à 250 km/h conformément aux pratiques de l'industrie automobile allemande. En ajustant l'ECU pour retirer ce bridage, la vitesse de pointe atteindrait selon son concepteur 275 km/h avant que le rupteur de se déclenche à 6.800 tr/min. Même à 230 km/h, j'ai pu essorer la Mammut en toute légalité sur un tronçon d'autoroute, le large guidon monobloc avec ses poignées reculées offre une position assez confortable avec beaucoup d'effet de levier, un point souhaitable pour ne pas dire nécessaire compte tenu de la géométrie de direction longiligne de la moto avec la fourche inversée Öhlins de 43 mm ouverte à 28° avec 115 mm de chasse et un empattement long de 1.540 mm. Mais cela offre aussi quelque chose à quoi s'accrocher lorsque l'on tourne la poignée d'accélérateur depuis les bas régimes et que l'on découvre le frisson addictif de disposer d'une telle puissance à portée de main. Ça envoie du lourd !

Tout comme sur une voiture turbo, l'astuce de la Münch est de suivre la courbe de couple et d'essayer de charger l'accélérateur de manière à maintenir le turbo en marche tout le temps, au moins sur une suralimentation partielle, afin de réduire le décalage. L'embrayage étonnement léger permet de sortir directement du ralenti du moteur à 1.000 tr/min, l'utilisation de la main gauche n'est ainsi pas plus sollicitée que sur une Ducati contemporaine. En revanche, les manoeuvres dans les espaces réduits ne sont pas son point fort et il faut être sûr d'être capable de soutenir le poids de la moto avec sa jambe lors des manoeuvres sans quoi celle-ci bascule et, en plus des dégâts potentiels, risque à coup sûr de vous briser la jambe en tombant dessus !

Le moteur accepte une ouverture complète des gaz sans traces de transmission dès 1.200 tr/min, après quoi on sent le régime monter relativement doucement jusqu'à un peu moins de 3.000 tr/min. C'est alors que le turbo se met en marche et Wheeee !!! Accrochez-vous ! Il y a une poussée massive et irrésistible de puissance et de couple qui fait monter l'excitation et pousse rapidement à monter un rapport pour renouveler l'expérience. Ce n'est pas un coup de pied au cul brutal lorsque le turbo se déclenche, mais une poussée implacable et séduisante. Ce qui est surprenant, c'est que le tableau de bord Stack n'intègre aucune jauge de turbo, un élément pourtant indispensable et pas seulement pour se vanter. Comme pour une voiture turbo, la meilleure façon de piloter cette moto n'est pas de la faire monter directement dans les tours, mais de tirer parti du fait qu'il y a au moins deux vitesses de trop dans la transmission à six rapports, pour changer de vitesse juste après le pic de couple à environ 4.500 tours et suivre cette énorme courbe de couple qui vous propulse vers votre objectif à ce qui semble être la vitesse du son.

Malgré tout cet énorme couple culminant à 295 Nm à 3.500 tr/min, l'action du changement de vitesse reste étonnamment bonne et il n'est jamais nécessaire d'utiliser l'embrayage pour les montées de rapport, sauf entre la 1re et la 2e où un bruit sourd se fait entendre quand on passe par le neutre, par ailleurs très compliqué à trouver au repos quand on le souhaite. Au moins, la lumière verte du neutre ne ment pas.

Il y a un léger sifflement du turbo à bas régime, assorti d'un gémissement sourd du moteur 4 cylindres, mais cela disparaît rapidement à mesure que les régimes montent. Je suis de toute façon trop occupé à m'accrocher pour m'inquiéter des effets du bruit : c'est une moto très rapide !

Mais aussi douce : je suis convaincu après l'avoir piloté qu’elle devait intégrer un contrepoids sur le moteur. Mais Petsch a insisté sur le fait que ce n'était pas le cas - ses ingénieurs ayant correctement calculé le facteur d'équilibre du moteur. Cela ajoute au sentiment d'excellence que l'on ressent en pilotant la Münch, la qualité de construction, même sur ce modèle de pré-production, est superlative et elle semble également très bien conçue. La seule pièce d'apparence bon marché est le radiateur à eau, qui provient forcément d'une voiture et surtout par contraste avec le radiateur intermédiaire monté en dessous, un joli RAD de course argenté et incurvé de KTM ou Behr aurait été plus harmonieux. Le seul inconvénient mécanique est le bruit de la chaîne de transmission supérieure qui claque contre le boitier en alliage, ce qui est très irritant à vitesse lente, mais disparaît progressivement de votre capacité d'attention à mesure que celle-ci se focalise sur la vitesse !

C'est après avoir parlé aux pilotes des prototypes antérieurs de la Mammut que l'équipe R&D a manifestement travaillé dur pour lisser la puissance délivrée et réduire le décalage du turbo, ainsi que pour adoucir ce qui était apparemment un embrayage très dur. D'accord, cela reste une moto qui nécessite pas mal de muscle, ne serait-ce que parce qu'à 354 kg à sec, elle est très lourde, avec une bonne partie du poids très haut, y compris le carburant. Mais grâce à une cartographie intelligente du système de gestion du moteur Bosch Motronic, la façon dont la puissance est fournie et la réponse du turbocompresseur - tout en affichant inévitablement un léger décalage - sont complètement contrôlables et une fois que l'on a commencé à comprendre comment utiliser cette moto, elle se montre presque facile.

L'arrière Bridgestone ne se déforme pas sous tout le couple d'une moto aussi lourde et puissante et il délivre bien la puissance, en ne décrochant pas lorsque la poussée supplémentaire se déclenche alors que le turbo atteint une puissance maximale de 0,9 bar. Cela ne veut pas dire que ce ne serait pas le cas en étant sur l'angle quand ça arrive, pas plus que sur n'importe quelle autre moto puissante, mais le remède à ça se trouve dans votre main droite et le fait que la réponse de l'accélérateur soit aussi contrôlable rend cela assez facile à accomplir. Ainsi, si vous souhaitez vous lancer dans une imitation de missile sol-sol, elle peut aussi accélérer incroyablement vite une fois que l'on est redressé et en ligne droite. Rocket Man !

Freinage

Mais alors que l'accélération de la Mammut est assurément impressionnante, elle n'est jamais explosive, probablement parce que tout ce poids joue un rôle. C'est une des raisons pour lesquelles prolonger la durée de vie de la chaîne était une telle préoccupation et aussi pourquoi il est presque impossible de faire un wheelie sur une moto aussi longue et lourde. Mais par définition, il faut également un certain temps pour s'arrêter et ici, les étriers à huit pistons agrippant les deux disques avant Spiegler de 320 mm font vraiment bien leur travail avec un bon feeling et du mordant.

Partie cycle

La maniabilité est étonnante pour une si grosse, longue et lourde moto. Bien qu'il ne vienne jamais à l'idée de la qualifier d'agile, la Mammut s'en tire mieux que son nom ne le laisse présager en assurant des changements de direction acceptables. Grâce à cet empattement long et à la répartition 51/49% de tous ces kilos, la Münch se révèle aussi très stable autour des 160 km/h, même sur les routes bosselées où le poids total aide à rester bien planté sur l'asphalte sans oscillations ou secousses, mais avec une réponse très calme, neutre et prévisible du châssis. Étonnante ! Les meilleures notes vont ici à la suspension Öhlins entièrement réglable aux deux extrémités. Malgré le débattement limité de 65 mm des deux amortisseurs arrière, la qualité d'amortissement est plutôt bonne et on peut maintenir une vitesse en courbe bien meilleure que ce à quoi je m'attendais. Bien que la garde au sol soit inévitablement limitée, il ne s'agit pas d'une moto faite uniquement pour les lignes droites, même si c'est évidemment la meilleure partie !

Conclusion

La Mammut 2000 est une machine dynamique, impressionnante et stimulante et bien plus que moto que ce que j'avais prévu. Pourtant, en roulant à 200 km/h avec le tachymètre affichant 4.500 tr/min, il y a un sentiment de puissance latente, toujours prête à surgir à la moindre sollicitation. La tenue de route à ces vitesses est impressionnante à tout point de vue, surtout en termes de 2-roues. La dernière moto turbo que j'avais pilotée à l'époque était une Egli-Kawasaki 1200, beaucoup plus explosive, mais pas aussi rapide ni aussi puissante. Finalement, la Mammut ressemble plus à une panthère en cage qu'à un éléphant laineux de l'ère glaciaire, attendant de surgir de l'ombre silencieusement à la poursuite de sa proie.

Étant donné qu'environ 80 clients s'étaient manifestés pour acheter une Mammut 2000, qu'en est-il d'un modèle de plus petite capacité moins coûteux à l'avenir, qui aurait permis à Münch de s'attaquer à un plus gros marché, ai-je demandé à Thomas Petsch.

Malheureusement, ce ne fut pas le cas. L'approche pragmatique de Thomas Petsch envers ce passe-temps devenu incontrôlable l'a amené à mettre fin à la production au milieu de l'année 2002. Seules huit motos ont alors été construites chez Sachs à Nuremberg et livrées aux clients pour la simple et bonne raison que, même à ce tarif élevé, il ne faisait aucun bénéfice, les coûts de fabrication dépassant le prix de vente. Après avoir tenté en vain de trouver un partenaire commercial, il a tenu la promesse faite à sa femme et mis fin au projet, laissant les 15 motos construites par son entreprise comme un témoignage de son enthousiasme après son décès le 17 juillet 2017 à seulement 57 ans. La marque Münch a été vendue par sa famille en 2019 à Markus Pohl qui s'attelle à la fabrication de nouveaux exemplaires à partir des pièces d'origines.

Points forts

Points faibles

La fiche technique de la Münch Mammut 2000

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