Par akademiotoelektronik, 18/11/2022

Suicide de Dinah, victime de harcèlement scolaire: le point sur l'enquête

Dinah, 14 ans, s'est pendue au début du mois. Pour sa famille, il n'y a aucun doute: il s'agit de l'épilogue d'un harcèlement scolaire long de deux ans.

Ce dimanche, à Mulhouse, une marche blanche a pleuré Dinah. L'adolescente de 14 ans s'est pendue dans sa chambre, à Kingersheim dans le Haut-Rhin, dans la nuit du 4 au 5 octobre dernier. Pour sa famille, une évidence: ce geste désespéré découle directement du harcèlement scolaire dont l'adolescente était victime depuis deux ans. Aujourd'hui, les proches de la jeune fille accusent son ancien collège de laxisme.

Tandis que la mère de Dinah a décidé de porter plainte contre X et contre l'établissement, le parquet de Mulhouse a ouvert une enquête. Ce lundi, Jean-Michel Blanquer appelle quant à lui à la mesure. BFMTV.com fait le point sur cette affaire qui agite le monde de l'éducation.

• Sa famille décrit deux années de harcèlement

C'est dans la nuit du 4 au 5 octobre que Dinah, 14 ans, a mis fin à ses jours. Elle a été retrouvée pendue dans sa chambre, au domicile familial de Kingersheim, dans le Haut-Rhin. Sa famille y a aussitôt vu le dénouement tragique d'un cycle de harcèlement scolaire qui avait commencé il y a deux ans alors que la jeune fille était scolarisée en quatrième. Selon les proches de l'adolescente, celle-ci était victime des persécutions d'un groupe constitué par quelques-unes de ses anciennes amies, à qui elle avait confié être intéressée par les femmes.

En-dehors des réseaux sociaux, le harcèlement trouve une traduction très concrète au quotidien, comme l'a raconté Samira Gonthier, la mère de Dinah, dimanche en marge de la marche blanche organisée en mémoire de sa fille à Mulhouse. "En classe on la bousculait, on lui tapait sa chaise, elle pouvait passer une heure à être secouée. On a aussi pris son carnet de correspondance pour dessiner des obscénités dessus", a-t-elle confié devant notre caméra.

Après sa première tentative de suicide, on lui souhaite "de ne pas se rater"

Durant le dernier confinement, Samira Gonthier veut réagir en déposant une main courante. Dinah, qui craint que la procédure empire encore les choses, la décourage d'aller au bout de son idée. C'est à cette période, en mars 2021, que l'adolescente essaye de mettre fin à ses jours pour une première fois.

Suicide de Dinah, victime de harcèlement scolaire: le point sur l'enquête

S'ensuit un échange de lettres entre Dinah et ses persécutrices présumées. La première présente ses excuses, tandis que les secondes l'accablent en lui souhaitant de ne "pas se rater" lors d'une prochaine tentative, selon Samira Gonthier qui explique avoir déchiré cette réponse incendiaire.

Entre-temps, Dinah se reconstruit, et obtient son brevet des collèges avec la mention "très bien". Son arrivée au lycée Lambert de Mulhouse, à la rentrée, laisse un temps espérer que la situation va s'arranger. Malheureusement, à la cantine, elle croise parfois certaines de ses anciennes amies et l'adolescente "replonge", d'après le mot de son frère Rayan.

• La justice se montre prudente

Après le deuil, place au volet judiciaire. SI la justice s'est emparée du dossier, elle entend le traiter avec prudence. Ainsi, Edwige Roux-Morizot, procureure de la République a indiqué dès vendredi que le parquet de Mulhouse dont elle a la charge avait ouvert une enquête pour "recherche des causes de la mort". Une investigation qui doit permettre d'établir "les raisons du geste de cette adolescente".

"Dans l'immédiat", a rappelé la magistrate, la piste du harcèlement scolaire n'est qu'une simple "hypothèse". "L’exploitation en cours de son téléphone et de son ordinateur permettra d’en savoir un peu plus", a-t-elle espéré.

Samira Gonthier, quant à elle persuadée que le suicide de sa fille a bien été provoqué par les persécutions de ses camarades de classe, a annoncé sa volonté de porter plainte. Contre X d'abord, mais aussi contre l'ancien collège de son enfant.

• La responsabilité du collège questionnée

Car c'est bien vers l'ancien établissement que convergent les regards à présent. Que savaient la direction et l'encadrement des agissements perpétrés à l'encontre de Dinah? En ont-ils pris la mesure et quels moyens ont-ils mis en place pour tenter d'y mettre fin? Aucun ou presque, aux yeux de Samira Gonthier.

En marge de la marche blanche, celle-ci a en effet développé: "Plusieurs fois, j'ai appelé le collège et rien n'a été fait." D'après la mère endeuillée, l'établissement a adopté une position désinvolte devant ses sollicitations: "C'étaient 'des petites gamineries', ce n’était 'rien', c'est ma fille qui en faisait tout un plat."

Sur Europe 1, elle a soutenu que la responsabilité n'en incombait pas à la seule direction mais aussi aux enseignants: "Le corps enseignant n'a rien fait pour ma fille, ils m'ont dit que c'était des banalités entre copines."

Une confrontation a cependant été organisée entre Dinah et ses harceleuses présumées dans le bureau du Conseiller principal d'éducation. Les décisions du collège intéressent évidemment les enquêteurs et, selon les informations de RMC ce lundi matin, le principal de ce dernier a été entendu par la police jeudi.

• Le gouvernement écarte tout "laxisme"

Jean-Michel Blanquer s'est tenu sur une étroite ligne de crête ce lundi au moment d'évoquer l'affaire. Interrogé à ce propos au micro d'Europe 1, il a voulu à la fois réaffirmer que le "laxisme ne (faisait) pas partie de son registre", tout en appelant à "ne pas s'emballer".

"Avoir des suites pénales pour des faits qui se passent en milieu scolaire, c’est déjà quelque chose d’assez nouveau", a-t-il observé. "Beaucoup d'établissements ont progressé dans la lutte contre le harcèlement", a encore fait valoir le ministre qui a toutefois admis: "Mais nous avons encore des difficultés concernant le cyberharcèlement". Jean-Michel Blanquer a enfin indiqué avoir récemment échangé avec les plateformes chargées de lutter contre ce fléau.

L'affaire est d'autant plus sensible et douloureuse qu'elle relève d'un phénomène de masse. Ainsi, d'après la statistique avancée par la Mutuelle Assurance de l'Education (MAE) et relayée par l'AFP, 700.000 élèves sur les 12 millions que compte l'école française sont susceptibles d'y faire l'objet de harcèlements.

Robin Verner Journaliste BFMTV
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