Par akademiotoelektronik, 31/12/2022

Que faire si vous croisez un ours cet été? | Slate.fr

Temps de lecture: 6 min

Pourquoi envions-nous l'orgasme des cochons? Les gauchers sont-ils davantage intelligents? Quand il pleut, est-ce que les insectes meurent ou résistent? Vous vous êtes sans doute déjà posé ce genre de questions sans queue ni tête au détour d'une balade, sous la douche ou au cours d'une nuit sans sommeil. Chaque semaine, L'Explication répond à vos interrogations, des plus existentielles aux plus farfelues. Une question? Écrivez à [email protected]

Tomber nez à nez avec un ours n'est pas une chose commune. Cela ne vous arrivera même probablement jamais. Pourtant, savoir réagir face à cet imposant animal peut vous éviter de sacrés ennuis: une grosse frayeur dans le meilleur des cas; la mort dans le pire.

Quelques conseils peuvent être d'autant plus précieux que la population ursine augmente de manière constante en France depuis plus de vingt-cinq ans. En 2020, soixante-quatre de ces spécimens ont été repérés dans les Pyrénées, dont seize oursons, selon le Réseau Ours brun (ROB) –soit six ours de plus qu'en 2019.

Qui dit plus d'ours dit plus de risques d'en croiser un sur sa route, notamment lors d'une randonnée estivale. Et, disons-le tout de suite, toute perspective de prise de karaté sur un de ces animaux est vaine. Seuls l'observation, le bon sens et deux ou trois techniques simples vous permettront d'augmenter vos chances de sortir indemne de cette rencontre fortuite. Alors, que faire si l'on croise un ours?

Situations et solutions

Avant tout, il faut savoir que la plupart du temps, l'ours évite l'être humain et que, quand il en croise un, il s'enfuit ou s'éloigne dans la majorité des cas –dans 78% des cas exactement, si l'on se réfère à une étude de la DREAL (Direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement) Occitanie effectuée dans les Pyrénées de 1996 à 2000.

Cela dépend évidemment des régions où on se trouve. Au Canada par exemple, certains ours sont constamment en contact avec les humains, dont les touristes, et ne font même plus attention à eux, indique Themo Anargyros, vétérinaire et grand voyageur qui a observé et rencontré de nombreux ours, notamment en Alaska. Dans le cas d'ours sauvages, sans contact répété avec les humains, les choses se compliquent.

Le mieux est tout simplement d'éviter toute rencontre avec un de ces spécimens. Le bruit est alors votre meilleure arme. Alertez l'ours de votre présence, parlez fort avec vos amis pendant votre marche, tapez des mains, quitte à troubler quelque peu la quiétude des lieux. Gardez également un œil sur l'environnement, vous trouverez peut-être des signes d'un passage récent d'ours, comme des crottes ou des traces de pattes.

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Que faire si vous croisez un ours cet été? | Slate.fr

Vient le face-à-face. «Si on le croise en randonnée, ça veut dire que l'ours ne nous a pas vus avant. Il faut savoir que l'ours a un flair 200 fois supérieur à l'homme», explique Themo, qui a également réalisé avec un de ses amis le documentaire Kamtchatka, la chevauchée sauvage, où ils partent à la recherche de l'ours brun de cette péninsule volcanique située en Extrême-Orient.

Si l'ours remarque votre présence et qu'il ne part pas de lui-même, il faut observer son comportement et adapter sa réaction en conséquence. «Il faut être le plus calme possible. Dans un premier temps, il faut lui faire savoir que vous êtes un humain et non une proie. Levez doucement les bras, sans crier, sans mouvement brusque et sans être agressif: vous êtes sur son territoire, dans son intimité et l'objectif est d'en sortir en lui faisant comprendre que vous n'avez pas voulu être là», ajoute-t-il.

Pour décliner son identité d'être humain à l'ours, parler est une bonne solution. «Dites-lui de manière calme, posée, que vous êtes désolé, que vous allez partir et que vous ne vouliez pas le déranger. De telles paroles prononcées de manière détendue, rassurante, vont influencer votre comportement, qui sera également davantage serein. C'est une bonne façon de se déstresser, ce qui est d'autant plus essentiel que le stress peut passer pour de l'agressivité», précise Themo. De là, reculez progressivement, rebroussez chemin sans courir et sans lui tourner le dos. Des techniques qu'a presque suivies à la lettre Alessandro, un jeune Italien qui avait croisé un ours le 24 mai 2020 et dont la vidéo, filmée par son père, avait fait le tour du web.

Si garder son sang-froid est essentiel, cela reste d'autant plus difficile que le comportement de l'ours peut être sensiblement intimidant. L'animal peut en effet avoir deux réactions distinctes: soit il est curieux, soit il est sur la défensive et peut devenir agressif.

Si l'ours se dresse sur ses pattes arrière et agite le museau dans les airs, n'ayez pas peur, il prend des informations visuelles et olfactives afin de vous identifier. Dans ce cas-là, appliquez les gestes vus précédemment, sans hésiter à parler d'un ton plus ferme si l'animal tente de s'approcher.

Il arrive cependant que l'ours soit de mauvais poil et n'apprécie guère votre présence. «Il va alors probablement commencer à stresser, baver, tourner la tête. En gros, il exprime son mécontentement d'avoir été surpris.» Tentez de reculer lentement, tout en discutant, et sans céder à la tentation de courir, ce qui ne ferait qu'aggraver la situation. Si la situation dérape et que l'ours fait semblant de charger, ou charge tout bonnement, c'est qu'il se sent menacé et tente de vous intimider. Si vous ne disposez pas de gaz poivré pour ours (bear spray), efficace pour déstabiliser l'animal, il vous faut redoubler d'effort pour garder votre calme.

«Il faut se mettre au sol sur le ventre, les mains sur la nuque», conseille le vétérinaire. En quelque sorte, il faut se faire passer pour mort, afin que l'ours, après vous avoir probablement reniflé, ne vous identifie plus comme une menace. On ne souhaite à personne d'en arriver là!

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On ne souhaite également à personne de croiser une maman ours et ses petits, ce qui est, pour Themo, «la pire des situations». La mère est prête à tout pour protéger sa progéniture et peut charger à tout moment. Le mieux est d'observer sa réaction, en espérant qu'elle ne prenne pas la mouche. Et n'imaginez pas caresser ses petits oursons adorables. Il va sans dire que vos secondes seraient comptées.

Campement et saisons

Une autre situation peut aussi se produire: celle où l'ours vient de son plein gré, en toute connaissance de cause, à votre rencontre sur votre campement. «Ils vont sentir la présence humaine et, de manière opportuniste, ils vont se dire qu'il y a de la nourriture à portée de main. Certains d'entre eux viennent alors sur le campement, pas dans l'idée d'attaquer l'homme, mais plutôt pour essayer de trouver un morceau de pain qui traîne, par exemple», expose Themo. Ce cas de figure peut être observé dans les environnements où l'ours côtoie plus ou moins régulièrement l'humain.

«Dans ce cas-là, on peut être davantage agressif avec lui, c'est lui qui vient sur votre espace. On peut lui dire avec un ton sec “tu n'as pas le droit d'être là, va-t-en”. Il faut crier, tout en gardant près de soi son bear spray, la bombe lacrymogène pour les ours, afin de le faire fuir quand il est trop près.» Cette situation s'est déjà présentée au jeune homme alors qu'il se trouvait dans l'un de ses campements au Canada. «Je lui ai crié dessus, il s'est levé, il a crié aussi, et il est reparti. L'air de dire: d'accord je vais partir, mais ne pense pas que tu es le plus fort.»

Dans certains cas, l'ours n'hésite pas à venir s'aventurer directement dans les habitations, comme l'atteste une vidéo qui a fait le tour du net en juin 2021. On y voit une jeune Américaine repousser à mains nues un ours brun qui, avec ses petits, escaladait un muret de jardin dans l'Utah. Un acte aussi courageux que dangereux, qui visait avant tout à protéger ses chiens (qui ne manquaient visiblement pas de courage non plus).

Un dernier facteur est également à prendre en compte: la saison. Si actuellement, les ours des Pyrénées sont sortis depuis quelque temps de leur long repos hivernal et n'ont, à première vue, pas de raison d'être agressifs, ce n'est pas le cas à toutes les périodes de l'année.

«Le comportement d'un ours va varier en fonction de la saison, ajoute Thémo. L'un des pires moments pour en croiser un, c'est avant qu'il entre en hibernation, vers novembre. À cette période, certains vieux ours n'ont pas fait assez de réserves de graisse, notamment parce que leurs jeunes congénères ont pris leur place dans les endroits où se trouve la nourriture. À ce moment-là, ils savent qu'ils ne vont pas passer l'hiver avec si peu de réserves, et ils peuvent être chauffés à blanc.»

Une situation peu ou prou similaire a eu raison en 2003 de Timothy Treadwell, plus connu sous le nom de Grizzly Man. Après treize années passées à documenter, filmer et vivre avec les ours du Parc national et réserve de Katmai en Alaska, l'aventurier ainsi que sa femme ont été dévorés par un grizzly au mois d'octobre, alors que ce dernier s'apprêtait à entrer en hibernation.

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Si on mélange tous les pires scénarios, mieux vaut donc ne pas croiser une maman grizzly affamée, suivie de ses petits, avant leur période d'hibernation en plein territoire sauvage de l'Alaska. Pas sûr que les conseils donnés un peu plus haut vous soient d'une grande utilité dans ce cas-là.

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