By akademiotoelektronik, 13/03/2022

À force de ne plus voler, les pilotes d’avion ont-ils perdu la main ?

Par Mathilde LE PETITCORPSÀ force de ne plus voler, les pilotes d’avion ont-ils perdu la main ? À force de ne plus voler, les pilotes d’avion ont-ils perdu la main ?

Après des mois sans voler à cause du Covid-19, la reprise n’est pas simple pour les pilotes d’avion. Une étude américaine révèle que les erreurs mineures se multiplient dans les cockpits depuis la reprise de l’activité aérienne. En France, la situation est à nuancer.

Le tourisme repart doucement, les restrictions s’allègent et les vols reprennent peu à peu dans le monde, après des mois presque sans activité du secteur aérien, à cause de la pandémie de Covid-19. Les pilotes remontent dans les cockpits. Mais la reprise n’est pas si simple : les erreurs mineures des pilotes, liées à la perte des habitudes, se multiplient, selon une étude menée par l’Université aéronautique d’Embry-Riddle, située en Arizona, aux États-Unis. Elle a été réalisée à partir des incidents signalés sur l’Aviation Safety Reporting System (ASRS), qui recueille les rapports d’incidents soumis volontairement par les pilotes ou encore les contrôleurs, rapporte le média Korii.

« C’est quand on refait un créneau en voiture, la sécurité n’est pas en jeu »

D’après ce rapport, sur 4 326 rapports d’incidents déclarés sur la période post-Covid-19 de juillet 2019 à février 2020, un seul pouvait être associé à un manque de compétences et/ou de connaissances, alors que durant la période du Covid-19 de mars 2020 à octobre 2020, sur les 2 412 rapports d’incidents déclarés, dix indiquaient que l’incident pouvait être dû à un manque de compétences et/ou de connaissances.

D’après le média Bloomberg, rien de grave n’a été enregistré, mais « la mémoire musculaire et les automatismes sont émoussés et les procédures d’urgence prennent quelques secondes supplémentaires à être mises en place ».

À force de ne plus voler, les pilotes d’avion ont-ils perdu la main ?

Xavier Tytelman, consultant aéronautique à Aviation NXT France, spécialisé dans le conseil aux entreprises du secteur aérien, confirme que les types d’erreurs analysées dans l’étude ne sont pas graves : « Il peut s’agir, par exemple, de la mauvaise stabilisation d’un avion lorsqu’il y a du vent, les pilotes savent le faire, mais sont plus aguerris en le faisant souvent, explique-t-il. La stabilité se fait quinze kilomètres avant la piste et il faut faire preuve de précision, à un degré trop à gauche, il faut remettre les gaz, pour réaccélérer et recommencer la manœuvre. » Ce n’est pas pour autant, que « la sécurité entre en jeu, c’est comme quand on recommence un créneau en voiture parce qu’on ne l’a pas réussi. »

D’après l’étude de l’université aéronautique d’Embry-Riddle, un manque d’accès régulier aux simulateurs, qui sont coûteux mais essentiels au maintien des compétences de pilotage à un haut degré de sécurité, est en cause. Si les pilotes n’ont pas eu accès aux simulateurs c’est parce que plusieurs d’entre eux ont été mis au chômage technique ou licenciés par leurs compagnies.

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« On est moins touchés en France, par ces petites erreurs »

En France, la situation est à nuancer. Xavier Tytelman dit qu’il n’a « n’a rien remarqué » et « qu’aucun pilote ne [lui] a confié commettre davantage d’erreurs mineures ». Et puis, ajoute-t-il, « à mon avis, on est moins touchés [en France] par ces petites erreurs, on est relativement protégés, parce que les vols long-courriers n’ont jamais arrêté grâce à nos territoires d’outre-mer ».

Vincent Gilles, vice-président du Syndicat national des pilotes de ligne (SNPL) explique, quant à lui, qu’à Air France, la compagnie pour laquelle il travaille en tant que pilote de ligne, « il n’y a pas eu de licenciements et aucun pilote n’a été arrêté, le choix de proposer des séances de simulateur pour remédier au défaut d’entraînement a été fait », dit-il. « Je n’ai pas un regard exhaustif mais je connais la situation à Air France », tient-il à préciser.

« À Air France, les pilotes ne peuvent pas faire en dessous de deux rotations long-courriers par mois, c’est-à-dire deux allers-retours », poursuit Vincent Gilles. Si ces quatre vols ne sont pas faisables, « on est obligés de pratiquer 4 heures de simulateur par vol, et cela de manière intense, avec des pannes et trois décollages et atterrissages. C’est aussi l’occasion de pratiquer les situations avec lesquelles on est moins à l’aise ».

Vincent Gilles admet cependant que « les pilotes doivent avoir conscience que le manque d’entraînement est un facteur de risque et prendre des marges pour les pallier. Par exemple, au lieu de stabiliser son appareil à 500 pieds comme avant, il se doit de le faire à 1 000 pieds. » Une manière de s’assurer de la sécurité.

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