By akademiotoelektronik, 24/06/2022

Interview: Davy DAO, Dirigeant de DAO

Vous rêviez d’un jean réinventé et fabriqué en France ? Dao a relevé le défi ! La marque de mode a en effet été la première à proposer le Denim Lin, un jean en lin 100% cultivé et fabriqué sur le territoire.

Fondateur de la marque en 2012, Davy Dao a fait de ses rêves d’adolescent une réalité. Mais s’il souhaitait depuis toujours créer une marque de vêtements, sa confrontation avec la réalité du secteur de la mode à Ho Chi Minh Ville,Viet-Nam lui a fait prendre conscience de la nécessité de « fabriquer autrement », notamment les jeans. Installée près de Nancy, Dao propose donc des vêtements de qualité, intemporels et durables, avec une fabrication la plus éthique et écologique possible.

Dao est un projet entrepreneurial à taille humaine, nourri de créativité, d’innovation et de pragmatisme. A la frontière entre artisanat et industrie, la marque mise sur les matières naturelles, dont le coton biologique. Si son Denim Lin l’a fait connaître auprès d’un public plus large, elle propose en plus des pantalons des collections de prêt-à-porter masculin et féminin de qualité française, ou encore des jeans selvedge en toile japonaise teintée à l’indigo naturel. La marque apporte surtout une attention particulière aux informations et conseils apportés aux clients, en boutique ou sur internet, que ce soit sur la fabrication mais aussi sur la manière de conjuguer le vêtement au quotidien jusqu’à son entretien.

Sur le devant de la scène de la nouvelle mode française et transparente grâce à son Denim Lin sorti en 2018, Davy Dao profite de cette reconnaissance de ses savoir-faire pour poursuivre le développement de la marque. Entre prises de risque et opportunités, tradition et modernité, il nous explique le chemin parcouru et les raisons pour lesquelles 2021 est finalement devenue l’année de la consolidation de Dao.

En quelques mots, pourriez-vous nous expliquer ce qu’est un « jean fabriqué autrement » chez Dao ?

En tant que façonnier, cela signifie en premier lieu que nous agissons sur le volet fabrication, c’est-à-dire sur la transformation de la matière que nous recevons, Mais il y a également une volonté de réfléchir en amont du process, en développant nos propres tissus denim.

Les chaînes de valeur du secteur de la mode restent, malgré les efforts récents, encore trop opaques. Avec le recul et l’expérience acquise ces dernières années, fabriquer autrement signifie être transparent sur notre façon de faire, de la matière première jusqu’au lavage, sur toute la chaîne de valeur du vêtement avec une réelle dimension éthique.Nous devons être en mesure de communiquer avec les équipes qui fabriquent nos vêtements, mais aussi de manager autrement, d’être plus à l’écoute des collaborateurs. Ce management se veut plus collaboratif, plus horizontal, et chez Dao chacun-e à son mot à dire.

Il est par ailleurs devenu essentiel de vulgariser et d’expliquer les termes techniques inhérents à nos processus de fabrication, pour rendre ce savoir accessible au plus grand nombre et faciliter la compréhension de notre métier, de la spécificité de nos vêtements. Fabriquer autrement un jean, c’est tenter de faire un pas de côté sur tous les aspects de notre métier, choisir une nouvelle voie en termes de sourcing, de choix des tisseurs partenaires, de procédés d’ennoblissement, jusqu’au lavage et au réseau commercial.

Vous opérez sur le secteur du jean, mondialisé et très concurrentiel. Pourquoi se lancer un tel défi sur un marché mature ?

J’ai su très tôt que je voulais créer des vêtements. Je suis issu d’une famille de huit enfants, et c’est seulement à quatorze ans que j’ai pu, pour la première fois, m’acheter mon premier jean, le premier que je n’aurais pas récupéré de mes frères et rapiécé, un vrai symbole …personne de l’avais porté avant moi ! Mes parents ne souhaitaient pas que je me lance dans l’aventure de la mode, pourtant j’avais la certitude de vouloir le faire. D’origine vietnamienne et né en France, j’ai passé une année en Asie durant laquelle j’ai pu y découvrir une partie de mon métier. J’ai malheureusement pu prendre conscience avec le jean cachait les dessous de la mondialisation, des ateliers sans droit sans protection des salariés et des environnements de travail difficiles.

J’ai eu l’envie de déconstruire le mythe selon lequel il est nécessaire de faire fabriquer à l’autre bout du monde pour être rentable. Je crois à la possibilité de produire en circuit court, et comme nous le faisons aujourd’hui, d’employer quatorze personnes mobilisées autour d’un projet commun. Il est beaucoup plus simple pour moi d’expliquer mon travail, de garantir la sûreté et la transparence de mon process et d’être en accord avec mes valeurs en travaillant en France plutôt que d’être donneur d’ordres auprès de fournisseurs à l’autre bout du monde.

Pour la petite anecdote, j’ai eu la chance de croiser il y a quelques années l’un des cofondateurs de la marque de vêtements Bill Tornade. Il m’a dit une phrase très juste pour faire ce métier : « Il faut être croyant, au delà de croire en Dieu, il faut croire en soi ». C’est une phrase que je transmets très souvent lors de mes interventions auprès de lycéens et d’étudiants qui m’interrogent sur ce qu’il faut savoir avant de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale.

Il est parfois exprimé le fait qu’ « il n’y pas de hasard, que des rendez-vous ». Est-ce votre sentiment également ?

Il est vrai qu’avec le temps, on se rend compte que les rencontres sont finalement provoquées par nos parcours ! J’ai eu la chance de rencontrer des personnes extraordinaires dans le domaine des machines dont nous avons besoin pour confectionner nos jeans, dont par exemple François, l’homme le plus reconnu en France pour son savoir-faire sur les machines à boutonnières Reece. J’ai eu la chance d’échanger avec lui sur son métier. Il m’a donné des conseils pour le développement de Dao, pour aller voir les bonnes personnes, les fournisseurs avec qui construire une relation à la fois humaine et commerciale. François nous a récemment quitté et je ne peux qui lui rendre hommage pour tout ce qu’il nous a apporté, à moi personnellement, à mon entreprise, et je pense à toute notre filière.

Vous vous appuyez sur un réseau de partenaires, en particulier des tisseurs, mais également des spécialistes du lavage par exemple. Comment se construit ce réseau dans le temps ? Il est souvent difficile pour des jeunes créateurs de faire fabriquer de toutes petites séries, quelles ont été les difficultés et les solutions pour Dao ?

Interview: Davy DAO, Dirigeant de DAO

Avec la jeune expérience que je peux avoir aujourd’hui, je comprends mieux les contraintes inhérentes au métier de tisseur par exemple. Ce métier riche de savoir-faire est malheureusement parfois un peu « ingrat » puisqu’il nécessite des millions d’euros d’investissements, avec des contraintes de marché fortes notamment sur les volumes minimum à produire pour être rentable.

Pour tisser des liens, c’est un secteur où la rancune n’a pas sa place ! Elle est en effet inutile et contre-productive, puisque les contraintes des uns peuvent dans le temps s’adapter à celles des autres, et des accords finissent par être signés. Au-delà des chiffres, les jeunes entrepreneurs et créateurs de mode doivent être réalistes, et se rendre compte de la réalité économique et industrielle de leurs fournisseurs et partenaires. Une réponse négative traduit en effet non pas le refus des industriels de travailler avec vous, mais simplement une impossibilité pratique de répondre à votre demande.

Pour ma part, j’ai lancé la marque Dao en fabriquant moi-même. Ensuite, j’ai trouvé des solutions intermédiaires, grâce à des réseaux secondaires et alternatifs plutôt que les ceux les plus sollicités situés sur la capitale. Pour les jeunes créateurs, une des voies pragmatiques à explorer pour se lancer est de travailler avec des recycleries textiles, disposant de rouleaux de tissus non utilisés, pour fabriquer les premiers prototypes. C’est en échangeant avec les responsables de ces recycleries qu’il est possible d’en savoir plus sur leurs « fournisseurs », d’en connaître plus sur les acteurs de la filière et cibler les contacts potentiels. Enfin, deux points sont extrêmement importants pour se lancer : être capable de prouver que l’on est en mesure de fabriquer un prototype, car un dessin ne suffit pas, et faire preuve d’un vrai réalisme financier en présentant un prévisionnel de vente. Bref, savoir où l’on va et pourquoi on y va ! Toute idée est bonne si elle est bien présentée, étayée, benchmarkée. Il faut pour cela s’ouvrir et s’inspirer du monde, comprendre son marché, adopter le point de vue des clients potentiels.

Concernant la relation avec les tisseurs, lors du lancement de mon activité j’ai simplement commencé à travailler avec les industriels qui acceptaient de travailler avec moi ! Ils étaient alors japonais, portugais, allemands, espagnols… mais pas français. Dans les pays cités, de nombreux industriels ont en effet depuis plusieurs années intégré les évolutions du marché. En France, il y a encore trop peu de tisseurs disposant de tissus en « stock service », c’est-à-dire permettre de commander sur une seule référence un mètre, ou quatre-vingts mètres selon le besoin, et ce afin de pérenniser un minimum une collection.

Il me semble important que chaque partie prenante ait envie de prendre un minimum de risque. Nous souhaitions travailler depuis longtemps avec Cédric Plumey qui se lançait dans l’aventure avec Manufacture Metis, et notre première commande de près de deux milles mètres de tissus lui a permis de réellement accompagner son activité de tissage, en le faisant connaître, en communiquant sur notre collaboration. De la même façon, les tisseurs devraient accepter de prendre le risque d’accompagner certains créateurs sur de plus petites séries parfois.

Il n’est pas simple de réinventer les basiques de nos garde robes et de se différencier. Le denim en lin est votre innovation phare, comment est né ce projet ?

En 2016 ont eu lieu des grèves en France notamment dans les transports, ports et aéroports, avec pour conséquence mes cargaisons de tissus en provenance du Japon bloquées dans le port du Havre

Je me suis retrouvé face à une question cruciale : si à l’avenir le blocage perdure ou si seulement le prix du fret explose, de quelles solutions puis-je disposer pour avoir de la matière disponible en circuit plus court ? En faisant quelques recherches, j’ai découvert que nous étions, en Europe, les principaux producteurs mondiaux de lin, ce que j’ignorais jusque-là. C’est avec le recul un vrai cas d’école !

Ce projet innovant est donc né d’une intuition, presque avec un caractère instinctif. Après près de deux ans de recherche et de prototypage, nous avons lancé notre jean en lin en 2018. Je ne sais pas si s’agit d’une révolution du jean, mais j’ai pris ce risque, à un instant T, de tester le lin comme base d’une toile denim, ce qui n’avait pas encore été fait. Nous avons innové pas à pas, grâce à l’expérimentation. Nous avons également profité à cette époque d’une stratégie marketing orchestrée par ailleurs par la CELC. Côté argumentaire, tout était ainsi déjà écrit, décrit, mais il fallait amener cette information sur le lin au plus près du consommateur pour faire naître l’envie d’acheter ce jean. Et il y a un réel intérêt autour de cette matière, confirmée par les projets d’autres fabricants français de jeans qui se sont également lancés dans ce sillage.

Est-ce que vous avez des envies d’aller tester d’autres matières plus « exotiques » comme vous avez pu le faire avec de la toile de montgolfière ?

Dans ce cas il s’agissait vraiment d’une opportunité, donnée dans le cadre de notre partenariat avec le Mondial Air Ballon en Lorraine. C’était une occasion de montrer notre savoir-faire. Nous avons fabriqué un pantalon à partir de cette toile de montgolfière, et même si à mon avis nous aurions dû revaloriser ces chutes de tissus autrement, de façon plus pertinente, c’était un projet intéressant pour sortir de notre quotidien, repousser les limites et alimenter les réflexions au sein de l’atelier. Cela ouvre le champ des possibles dans le reste de nos gammes produits.

Je pense qu’il y a quelque chose à créer à partir de ces textiles particuliers lorsqu’ils sont en fin de cycle, mais plutôt dans la lignée d’entreprises comme Rains ou Stutterheim, ou selon l’héritage de Freitag qui à travers sa gamme d’accessoire a réussi à faire de la bâche de camion usagée un exemple de marque dans la catégorie économie circulaire. Mais développer et pérenniser une marque responsable, aux valeurs écologiques et éthiques est un projet de longue durée, qui nécessite de ne pas trop s’éparpiller, ce n’est donc pas ma priorité.

Vous ne travaillez qu’avec des matières naturelles, en particulier le coton biologique. Pourquoi ce choix plutôt de continuer avec le coton recyclé par exemple ?

Nous avons en effet lancé il y a quelques années une petite gamme en coton recyclé, notamment des chaussettes, née d’opportunités et de propositions de notre tricoteur. C’est dans cette même démarche que nous travaillons toujours plus sur des matières alternatives, et des échanges avec de nouveaux partenaires tisseurs nous permettent de travailler sur le coton biologique. Celui-ci peut même être travaillé en mélange avec du coton recyclé, du lin, voire même du chanvre. La porte reste ouverte sur une éventuelle utilisation de polyester recyclé, seulement sur certaines gammes de produits si cela nous semblait nécessaire. L’objectif reste de proscrire, à terme, toutes les matières issues du pétrole brut. D’ici quatre ans, nous souhaitons nous affranchir de toute trace de plastique pur dans la fabrication et la commercialisation de nos vêtements.

La traçabilité, en particulier des matières, est l’un des grands défis à relever pour le secteur textile-habillement, comment l’appréhendez-vous chez Dao ?

Fabriquer autrement nos produits implique de vérifier, et pas simplement d’afficher des labels. La relation que nous entretenons avec nos fournisseurs est basée sur la confiance, cependant il nous semble essentiel de connaître leurs ateliers, leurs collaborateurs, les conditions de travail sur place. Jusqu’ici nous avons pu visiter nos filateurs/tisseurs espagnols, grecs et turcs, directement dans les zones géographiques où est cultivé notre coton biologique. La période de crise sanitaire a malheureusement freiné nos projets d’audits, mais notre volonté est clairement d’aller à la rencontre de tous nos partenaires, à l’origine des matières que nous travaillons. C’est ce que nous faisons déjà avec nos partenaires français. Peut-être nous faudra-t-il systématiser nos visites aux filateurs dans un avenir proche. Après s’être assuré d’une fabrication française et d’un sourcing en circuit court autour du lin, nous devrons répondre aux questions que nous nous posons sur d’autres matières.

Il existe une jeune et petite production de coton dans le sud-ouest en France, qu’il faut saluer. Ce projet un peu fou lancé à l’initiative de la jeune marque Jean Fil est en passe de transformer l’essai du « tout traçable » sur le territoire. Nous ne sommes pas clients mais nous échangeons beaucoup avec les fondateurs, et leur souhaitons le succès commercial espéré.

Et l’élasthanne dans tout ça ?

Nous cherchons à nous en passer dans les années à venir, mais les alternatives sont difficiles à trouver. Il existe cependant une tendance, à contre-courant de l’idée répandue que l’effet stretch serait nécessaire lors de l’achat d’un pantalon. Au contact de nos clients en boutique, nous nous sommes rendus compte que les consommateurs, et en particulier les femmes, recherchent de moins en moins de jeans élastiques. La tendance est plutôt aux pantalons avec une certaine tenue, qui tiennent le corps, qui serrent la taille, un peu dans l’idée des Levi’s 501 de l’époque.Ces coupes sans élasthanne sont adaptées à notre savoir-faire, et nous cherchons donc à satisfaire également ces besoins exprimés notamment avec l’essor du vintage et la seconde main.

Vous avez un nouvel atelier modernisé depuis peu. L’artisanat d’aujourd’hui doit savoir passer ce cap pour répondre à la demande ?

Si nous y réfléchissions depuis un certain temps, les choses n’allaient pas forcément très vite sur ce point de la transformation de l’atelier. Mais la pandémie a frappé l’année dernière, et toute crise générant des opportunités, nous avons saisi celle de fabriquer des masques. Le Département de Meurthe et Moselle nous a sollicité pour cette tâche au regard de notre savoir-faire en confection. Mais à l’époque nous étions à peine trois personnes dans l’atelier ! La collectivité nous a donc aidé à créer toute une ligne de production à partir de quasiment rien. J’ai imaginé des lignes de production, et avec une équipe élargie nous avons pu fabriquer près de 900 000 masques en l’espace de deux mois et dix jours.

Mon associé Romain ne souhaitait initialement pas répondre à la sollicitation, face aux difficultés annoncées et par crainte de ne pouvoir livrer ces masques. Mais en échangeant ensemble, il était évident que l’ADN même de Dao est basé sur le circuit court, la fabrication locale, l’agilité d’une petite équipe, la capacité d’adaptation des fabricants français. S’il y avait un moment pour le montrer, alors c’était celui-ci. Parfois il faut savoir prendre le tournant aussi risqué soit-il. La demande initiale était de 250 000 masques, un volume déjà très important pour notre taille mais celui-ci a rapidement augmenté pour répondre aux besoins. Nous avons recruté temporairement du personnel, et 95 personnes nous ont rejoints, et ont travaillé sans relâche, avec deux équipes de nuit et trois équipes de jour.

C’est ainsi que nous avons appris à devenir des industriels et à faire grandir l’entreprise. Nous étions trois, nous sommes aujourd’hui quatorze. Le matériel acquis pour fabriquer les masques a été pensé pour pouvoir être réutilisé dans notre activité traditionnelle de fabrication de pantalons. Nous avons donc ouvert notre nouvel atelier l’année dernière, et la vitesse de croisière est maintenant atteinte.

La fabrication française est censée être pourvoyeuse d’emplois, garantir des délais de fabrication plus courts, et une production plus responsable, plus écologique, plus sociale. Nous avions à cœur de le prouver, et nous continuons à le faire. La notion de solidarité a pris tout son sens, et je remercie une nouvelle fois toutes les personnes qui nous ont suivis dans cette aventure. A l’image d’une filière interconnectée, chacun a besoin de l’autre, il est strictement impossible de faire seul.

Le denim made in France monte en puissance, peut-on parler d’une saine concurrence ?

Avec Thomas Huriez (1083), Julien Tuffery (Atelier Tuffery) ou encore Clément Pradal (Kiplay Vintage), je crois pouvoir dire que nous nous connaissons bien et que nous échangeons régulièrement. Nous sommes finalement tous à des étapes importantes de développement de nos entreprises. Personne ne peut dire si un jour l’un d’entre nous sera plus important sur le marché, d’autant plus que d’autres arrivent encore tels que le Groupe Mulliez avec son projet d‘usine de jeans dans le Nord de la France. Que ce groupe industriel majeur puisse s’intéresser à la fabrication française, même si nous attendons plus d’informations notamment sur le process et le prix final de leur jean, donne encore plus de légitimité aux projets made in France, d’une mode plus transparente que nous menons depuis plusieurs années avec les confrères cités précédemment. A nous de démontrer de façon encore plus pédagogique ce qu’est un jean « fabriqué autrement ». Et puis n’oublions pas qu’à la base, la mode est faite pour se faire plaisir ! Il va falloir trouver ce juste équilibre entre garantir la transparence, faire évoluer nos savoir-faire artisanaux, et continuer à proposer de beaux produits de mode.

Côté communication, vous fonctionnez comme une marque « digitale native » avec une boutique en ligne, une présence sur les réseaux sociaux, des webséries, des vidéos autour de l’intelligence de main…est-ce incontournable pour toucher le client final ?

C’est essentiel, même si aujourd’hui nous restons une marque plus « confidentielle » que certains de nos confrères. Nous avons jusqu’à présent fait le choix de ne pas nous faire accompagner sur la stratégie de communication, mais c’est peut-être aussi juste une question d’opportunité qui ne s’est pas présentée ! Jusqu’à maintenant, nos clients nous connaissent surtout par le bouche-à-oreille et via notre réseau de partenaires, mais ils deviennent rapidement suiveurs sur les réseaux, et sont très engagés jusque dans leurs achats.

Romain et moi-même avons l’expérience du prêt-à-porter, du retail et de la fabrication, et je crois que nous avons vraiment conscience de l’importance du merchandising, de la façon de présenter nos vêtements, du storytelling. Cela participe à l’image de marque, sur les réseaux mais aussi en magasin ou sur le salon annuel Made in France (MIF Expo).

Vous venez de communiquer sur la nouvelle feuille de route pour Dao, quelles en sont les grandes lignes ?

J’ai mis en place en 2018 une feuille de route baptisée Fabrication Alternative 2022, qui va donc bientôt s’achever. Il nous fallait donc fixer de nouveaux objectifs et les communiquer. Nous allons bien entendu continuer à renforcer nos capacités de fabrication en France, avec toujours 100% de la confection en France, mais avec une volonté de trouver de nouveaux tisseurs pour atteindre 80% de tissus tissés sur le territoire dès 2022, les 20% restants étant tissés en Europe. Comme évoqué, nous renforcerons la traçabilité des matières avec plus d’audits chez nos fournisseurs.Enfin, en matière de responsabilité sociale, nous devons toujours garantir l’égalité des salaires hommes-femmes, promouvoir les personnes sur des postes à responsabilité. Pour exemple, nous venons de nommer responsable d’atelier l’une de nos couturières, seulement âgée de 26 ans. C’était une évidence, l’avenir nous confirmera sans doute la pertinence de cette décision.

Personnellement, avez-vous une marque coup de cœur ?

Kilomet109 est une marque d’origine vietnamienne qui fabrique des vêtements grâce à des méthodes totalement transparente, car de la culture du coton, le tissage sur métier à navette manuel, en passant par la teinture végétale des vêtements à la fabrication tout se passe dans le nord du Viêt-Nam près de Hanoi, ou dans des villages reculés dans la même région. Vu Thao (la fondatrice) maîtrise parfaitement sa chaîne de valeur et met vraiment en avant les savoir-faire artisanaux pour développer des vêtements en circuit court, totalement transparent, démontrant par la même occasion que le Viêt-Nam n’est pas simplement un des pays « atelier du monde » mais peut aussi être un exemple en matière de mode responsable.

Propos recueillis par N.Righi – Décembre 2021

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