Podle akademiotoelektronik, 01/04/2022

Les Etats-Unis, 1er producteur mondial de pétrole en 2017 ?

Le potentiel de développement des huiles de schiste apparaît incertain.

La production américaine de brut surpassera celle de l’Arabie Saoudite en 2017, annonce l’Agence internationale de l’énergie (AIE) dans son rapport annuel, rendu public le 12 novembre.

Grâce au boom des huiles de schiste, l’industrie américaine d’extraction du brut serait en passe de redevenir la première du monde.

La résurgence de la production des Etats-Unis, amorcée en 2007, permettrait à Uncle Sam de réinvestir son trône de roi du pétrole, perdu au profit de l’Arabie Saoudite après l’amorce du déclin de la production américaine en 1971. A condition que cette résurgence perdure.

L’Amérique du Nord (Etats-Unis & Canada) ira jusqu’à redevenir exportatrice nette de brut d’ici à 2030, pronostique l’AIE. Une évolution susceptible de redistribuer les cartesde la géopolitique mondiale comme jamais depuis la chute du mur de Berlin. Selon Fatih Birol, économiste en chef de l’AIE, « les fondations du système énergétique mondial sont en train de bouger ».

L’annonce de l’Agence internationale de l’énergie fait bien sûr beaucoup de bruit.

En France, Dominique Seux, éditorialiste aux Echos, profite de l’occasion et de son audience auprès des 1,6 millions d’auditeurs de la tranche matinale de France Inter pour demander au président Hollande qu’il se « libère des Verts », et autorise l’exploitation des gaz et huiles de schiste dans l’Hexagone.

Dominique Seux souligne que les Etats-Unis « se rapprochent de l’indépendance énergétique ». La première économie du monde a tout de même encore un peu de chemin à parcourir. En 2011, les Etats-Unis ont extrait 7,8 millions de barils de brut par jour (Mb/j), auxquels s’ajoutent [corr.] 1 Mb/j d’agrocarburants. Au total, la production américaine de pétrole (et de ses divers substituts et sous-produits) atteint 10,9 Mb/j, et fait donc presque déjà jeu égal avec celles de la Russie et de l’Arabie Saoudite. Cependant, toujours en 2011, les Etats-Unis ont consommé chaque jour 18,8 millions de barils.

La reprise actuelle de la production américaine de pétrole n’en demeure pas moins « spectaculaire », selon l’expression employée dans le rapport de l’AIE.

Jusqu’où la reprise de la production américaine d’or noir pourra-t-elle se prolonger ? Miracle ou mirage ?

Les estimations de l’AIE s’alignent sur celles du département de l’Energie américain, qui prévoit que dès l’an prochain, la production américaine totale de carburants liquides (agrocarburants compris) atteindra 11,4 Mb/j, frôlant la production de brut de l’Arabie Saoudite (11,6 Mb/j attendus).

Un premier bémol : les projections de l’AIE, comme celles du département de l’Energie américain additionnent à la production de pétrole celle de gaz naturel liquide (en anglais NGL, pour Natural Gas Liquid). Les NGL, essentiellement du propane, ne peuvent pas, dans la plupart des cas, se substituer au pétrole. En particulier, un tiers seulement des NGL peuvent servir de carburant à un moteur. Si l’on exclut ces NGL, la production américaine de pétrole brut au sens strict n’atteint plus que 6,2 Mb/j, tandis que celle de l’Arabie Saoudite s’élève à 9,9 Mb/j. D’après Chris Nelder, un expert pétrolier américain indépendant, dire que la production américaine va bientôt égaler la production saoudienne « revient à dire qu’un café-crème contient autant de café qu’un expresso ».

Les Etats-Unis, 1er producteur mondial de pétrole en 2017 ?

Le cœur du problème maintenant : combien de temps le boom de la production des huiles de schiste aux Etats-Unis pourra-t-il se poursuivre ?

La production d’huile de schiste se développe aujourd’hui essentiellement dans l’Etat du Dakota du Nord, sur la formation géologique dite de Bakken.

La ruée vers le Dakota du Nord, un Etat froid et isolé à la frontière canadienne, a attiré de nombreux journalistes. Bizarrement, bien peu de confrères se sont penchés sur le cas del’Etat américain voisin du Dakota du Nord, sur lequel s’étend également la formation de Bakken, et où l’exploitation des huiles de schiste est plus ancienne : le Montana.

La production d’huile de schiste de l’Etat du Montana décline depuis 2006, après avoir franchi un pic légèrement supérieur à 100 000 barils par jour.

Le déclin des huiles de schiste du Montana a été rapide. Pourtant depuis 2006, le nombre de puits n’a pas cessé d’y croître, souligne Bob Brackett, un analyste du cabinet Bernstein Research auteur d’une étude sur le potentiel de développement de la formation de Bakken.

Bob Brackett fournit une explication au déclin du Montana familière pour les lecteurs de ‘oil man’, dans une interview publiée en juillet :

Le profil typique des puits de pétrole de schiste se caractérise par un déclin quasi immédiat et extrêmement rapide des extractions :

La fracturation de la roche ne permet de libérer les hydrocarbures que dans un périmètre restreint. Maintenir une production élevée implique donc de creuser constamment de nouveaux puits (comme nous l’avons déjà expliqué ici). La production d’huile de schiste nécessite de forer de dix à cent fois plus de puits que pour le pétrole conventionnel, indique la direction du groupe français Total.

Il faut environ six ans, comme on le voit dans le graphe ci-dessus, pour qu’un puits de la formation de Bakken se retrouve quasiment épuisé, devenant ce que dans l’argot de l’industrie on appelle un « stripper », c’est-à-dire un puits très peu productif. Pour l’instant, la formation de Bakken ne compte que 200 strippers parmi ses puits récents. Dans six ans, selon Brackett, il devrait y en avoir 4000, constituant [corr.] la majorité des puits forés depuis le début du boom en 2006.

Les ressources accessibles dans le Dakota du Nord apparaissent nettement plus importantes que celles qui paraissent s’épuiser dans le Montana voisin.

Bob Brackett décrit néanmoins la nature du piège qui pourrait se refermer sur l’espoir de la renaissance de la production américaine d’or noir :

La production devrait encore progresser dans le Dakota du Nord. Mais les coûts de production aussi, pour des résultats nécessairement de plus en plus médiocres à terme. L’industrie américaine d’extraction des huiles de schiste a entrepris de courir toujours plus vite sur un tapis roulant lui-même de plus en plus vite, à contresens. Chaud ! (Je ne parle pas de l’impact sur le climat.)

Le département de l’Energie américain envisage, somme toute, une progression relativement modeste de la production totale issue des réservoirs compacts : moins de 1,5 Mb/j au pic, situé avant 2030, contre environ 0,6 Mb/j aujourd’hui, selon le scénario de référence (pdf, 5.9 Mo). Rien qui, en soi, puisse changer radicalement quoi que ce soit à la dépendance énergétique américaine.

Les experts de l’Agence internationale de l’énergie eux-mêmes admettent qu’ils sont loin d’avoir une confiance absolue dans leur propre pronostic, qui n’en fait pas moins la « une » un peu partout dans la presse économique.

Fatih Birol,l’économiste en chef de l’AIE, prend la peine de souligner que la géologie et les performances des réservoirs compacts aux Etats-Unis sont encore « mal connues », et qu’il n’est pas certain que de nouvelles réserves soient accessibles en quantité suffisante pour maintenir la production dans le futur, rapporte le Financial Times.

L’Arabie Saoudite pourrait demeurer le premier producteur mondial en 2020, admet Fatih Birol dans un entretien téléphonique.

Les huiles de schiste vont-elles jouer à Big Oil le même tour que le pétrole d’Alaska ? Lancée entre les deux chocs pétroliers des années 70, la production de l’Alaska devait permettre, selon ses promoteurs de l’époque, d’affranchir les Etats-Unis de l’emprise de l’Opep. Dix ans après sa mise en route, le brut d’Alaska amorçait son déclin :

Dernière remarque (pour l’heure) sur cette nouvelle livraison du World Energy Outlook de l’AIE – dont le précédent opus avait confirmé que le pic du pétrole conventionnel – 80 % de la production mondiale de brut – a été franchi en 2006 :

sur le même graphe où l’on voit la production future des Etats-Unis surpasser hypothétiquement celle de l’Arabie Saoudite en 2017, on constate que l’AIE s’attend à ce que la Russie, actuel deuxième producteur mondial, amorce un lent déclin à partir de 2015.

Nous aurons certainement l’occasion d’y revenir…

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Matthieu Auzanneau.

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